[Critique cinéma] L’étrange pouvoir de Norman.

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Dans le monde de l’animation, il y a une importante part dévolue aux procédés purement numériques qui, s’ils sont loin d’être dénués d’intérêt, sentent un peu le réchauffé quoi qu’on en dise. Du coup, lorsque l’émergent studio Laïka propose un deuxième long-métrage animé en stop-motion sur un sujet à priori peu vendeur pour un jeune public, le surnaturel, le défi ne pouvait être qu’alléchant ! Qu’on se le dise, L’étrange pouvoir de Norman est une vraie réussite, sincère et généreuse qui ravira les passionnés de films d’horreur, mais pas que !

Bien sûr, les références aux slashers et autres joyeusetés sanglantes des années 80/90 sont légions (on passe des zombies digne d’un film de Romero aux apparitions stressantes de personnages étranges rappelant directement les serial killers de Craven ou Carpenter) mais elles ne représentent finalement que la cerise sur le gâteau d’un film qui se consomme avec plaisir. Profitant d’une esthétique épatante, si efficace qu’elle en ferait presque oublier qu’il s’agit de marionnettes animées à la main et non pas des personnages mis en mouvements par ordinateur, le long-métrage émerveille à chaque coin de pellicule.

Qu’il s’agisse de clins d’œils au cinéma de genre ou bien de décors magnifiquement rehaussés par une 3D relief tout en profondeur, on peut assurer que le film est une vraie prouesse dans l’art si minutieux de la stop motion. A l’image d’une esthétique empruntant à tort et à travers pour mieux se construire un style personnel, les personnages sont très caricaturaux à l’aube de l’intrigue mais se détachent peu à peu du cadre qui leur est imposé pour s’envoler vers des sphères parfois inattendues dont on ne révélera rien, dans l’espoir de conserver une part de mystère pour votre première découverte de ce film surprenant.

Inattendu parce qu’il emprunte des voies maintes fois utilisées pour bifurquer, en milieu de pellicule, vers un sentier à la fois intelligent et terriblement émouvant, L’étrange pouvoir de Norman est une rareté dans le cinéma d’animation. Accompagné par une bande originale douce et synthétique, le métrage s’enlise peu à peu dans une poésie chaleureuse qui prend aux tripes dans une séquence finale pleine de nostalgie pourtant faite d’espoir.

L’étrange pouvoir de Norman possède surtout une armée de qualités qui font de lui une véritable réussite qu’il serait réellement dommage de manquer sur grand écran tant le film transpire la générosité !

Menée par une galerie de personnages hilarante (le meilleur ami de Norman est un personnage truculent aux répliques savoureuses), l’intrigue ne se targue pas d’être foncièrement originale mais possède un impact émotionnel significatif. Le rejet de la différence étant durement ancré dans notre société, le regard porté sur notre manière de vivre n’en est que plus acéré à travers ce personnage d’exclu qui porte en son sein la possibilité d’apposer une pierre à l’édifice de la communauté.

Le propos est loin d’être novateur mais proposé avec tant de cœur qu’il serait dommage d’accuser le film d’une quelconque facilité, malgré une première demie-heure assez poussive qui en serait presque ennuyeuse. Fort heureusement, à l’image du personnage de Mérida dans Rebelle faisant écho à une part en chacun de nous, Norman est l’être singulier que nous sommes tous sans forcément nous l’avouer. Mais au-delà d’une riche réflexion sur la singularité de soi, le long-métrage est aussi, et surtout, une véritable aventure old-school pour les enfants et les plus grands, rythmée par un scénario haletant retournant sans cesse les conventions du cinéma de genre.

Finalement, même si ce second essai du studio Laïka comporte quelques faiblesses telles que des personnages secondaires trop répétitifs (on pense notamment à la professeur de théâtre, éreintante) ou même une intrigue longue à démarrer, il possède surtout une armée de qualités qui font de lui une véritable réussite qu’il serait réellement dommage de manquer sur grand écran tant le film transpire la générosité !

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En conclusion, L’étrange pouvoir de Norman est assurément le film d’animation qui sort gagnant de cet été chargé en sorties animées tant il parvient à délaisser des mécaniques bien huilées pour parler à cœur ouvert à des spectateurs nostalgiques d’un cinéma pratiquement disparu au profit d’une aseptisation généralisée. Mêlant rires, larmes et scènes d’actions réellement immersives, le second long-métrage du studio Laïka confirme une certitude que l’on osait déjà affirmer avec Coraline : leur sens aigu de la poésie divertissante !

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

2 comments On [Critique cinéma] L’étrange pouvoir de Norman.

  • Un p’tit commentaire, ça faisait longtemps…mais franchement je reviens de la séance de L’étrange pouvoir de Norman et effectivement ce film est tout simplement EXCELLENT !!! Longtemps que j’avais pas rit comme ça devant un film d’animation. L’ esthétique impeccable est mise au service de l’humour de façon remarquable et même si l’image de synthèse est aujourd’hui au cœur des principaux long métrage d’animation, celui-ci n’aurait pas été autant réussi, ni en 2D ni en 3D (CGI). En bref une somme de très bon choix d’écriture et de réalisation ! Je le conseille aussi à tout le monde !!!

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