(Critique) Fritzi de Ralf Kukula & Matthias Bruhn

Depuis ses débuts, le cinématographe s’est toujours entiché d’Histoire pour trouver matière à plonger ses spectateurs dans une réalité si proche d’eux. Dans la droite lignée des films d’animation prenant pour sujet un pan de l’Histoire mondiale, Fritzi entreprend de conter les souffrances causées par le mur de Berlin à la fin du XXème siècle, au cœur d’une Allemagne divisée. Mais à la différence des propositions animées historiques habituelles qui n’hésitent pas à se révéler violentes, le long-métrage allemand s’adresse autant aux enfants qu’aux plus grands. 

Résumé : Leipzig, Allemagne de l’Est, 1989. Pendant l’été, Sophie, la meilleure amie de Fritzi part en vacances en lui confiant son chien adoré, Sputnik. A la rentrée des classes, Sophie est absente et sa famille a disparu. Avec Sputnik, Fritzi entreprend de traverser clandestinement la frontière pour retrouver celle qui leur manque tant. Une aventure dangereuse…et historique !

(c) Balance Film, Trickstudio, Doghouse, Maur Films, Artémis

Tout d’abord, preuve est de constater que l’animation 2D du film fait son office à travers des personnages bien animés et des décors soignés en quête d’un réalisme graphique cohérent avec le projet historique du scénario. Les décors sont d’autant plus appréciés qu’ils sont variés tandis que la jeune Fritzi se lance dans un road-trip pour rejoindre l’une de ses amies de l’autre côté du mur de Berlin. L’Allemagne de l’Ouest, berceau des espoirs et des fantasmes des habitants de l’Est, devient alors l’objectif principal du film. Une production à hauteur d’enfant qui se révèle passionnante et ludique pour permettre aux plus jeunes de découvrir une part sombre de l’histoire germanique, sans pour autant ennuyer les plus grands tant le sujet est traité avec sérieux et vérité. 

Ancré dans le réalisme (les images d’archives accompagnant le générique final sont éloquentes et bienvenues), Fritzin’hésite pas à aborder les étapes importantes de cette époque clivante. Qu’il s’agisse de l’endoctrinement en cours dans les établissements scolaires par les gardes-frontières ou les manifestations vindicatives au cœur des rues, le long-métrage mêle la vie du personnage principal à l’Histoire collective. D’ailleurs, n’est-ce pas la jeune fille qui met le doigt sur les incohérences du régime ? Jugeant à juste titre que la barrière séparant les deux versants du pays n’est pas là pour empêcher l’arrivée d’ennemis mais pour éviter que les habitants ne fuient, elle se montre plus éclairée que ses camarades et attire inévitablement la sympathie du spectateur. Engagée dans la lutte pour la fin de la séparation nationale, elle s’implique activement dans les marches révoltées, sous le regard surpris de son institutrice pro-régime (séquence délicieusement satirique). 

Riche en émotions, le final et son cortège de véhicules dans la nuit fait mouche même s’il aurait gagné à faire perdurer la tension narrative entretenue par le chien, lien symbolique entre Fritzi et l’amie qu’elle souhaiterait revoir de l’autre côté de la frontière. On imagine fébrilement que l’issue pourrait être pathétique… C’est tout là l’efficacité du film !

(c) Balance Film, Trickstudio, Doghouse, Maur Films, Artémis

A vrai dire, seule la bande originale ternit quelque peu l’efficacité du film. Fort irritante avec ses accents désuets, elle menace parfois l’attachement aux personnages et l’implication du spectateur. Pour le reste, les personnages entretiennent de belles relations (qu’il s’agisse de Fritzi et son amie ou de la relation sentimentale avec Bella). Graphiquement et scénaristiquement, le film reste modeste mais il peut compter sur sa sincérité pour plaire au plus grand nombre. Divertir tout en apprenant, un projet qui tient debout et mérite d’attirer les foules. 

Finalement, Fritzi est un film plein de charme qui s’adresse à tous les publics. Réaliste, graphiquement soigné et touchant, il permettra aux plus jeunes de connaître le quotidien contraignant des allemands à la fin des années 80 tout en touchant du doigt l’émotion des plus grands qui apprécieront la sincérité de l’entreprise cinématographique. Aussi divertissant qu’enrichissant, cette production allemande devait être une sortie forte du mois de novembre avant que la pandémie n’en décide autrement… Espérons que cette belle page d’Histoire cinématographique aura les honneurs d’une sortie en salles lors de la réouverture des cinémas en France !

Critique rédigée par Nathan

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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