(Test Blu-ray) La Prophétie des grenouilles de Jacques-Rémy Girerd

Une nouvelle sortie qui n’en n’est pas vraiment une en ce 5 novembre 2019. 16 ans après sa sortie originelle, le premier long-métrage des studios Folimage arrive enfin sur nos écrans domestiques en haute-définition dans une édition remasterisée pour l’occasion. Sous son plus beau jour, le film de Jacques-Rémy Girerd se prépare à impacter une nouvelle génération de son récit aux échos bibliques. Un film au charme fou que j’ai eu la chance de découvrir pour la première fois lorsque j’avais dix ans et que je redécouvre aujourd’hui avec un regard plus adulte. Et sans suspense, il faut dire que le charme opère toujours (même s’il agit différemment).

Synopsis : Un nouveau déluge s’abat sur la Terre. Seule, une petite troupe hétéroclite menée par Ferdinand, le Noé d’aujourd’hui, parvient à défier les éléments qui se déchaînent dans la démesure. Humains et animaux sont entraînés dans le tourbillon d’une aventure rocambolesque…
La Prophétie des grenouilles est une fable troublante qui revisite celle de l’Arche de Noé. Les grenouilles, face à l’événement qui menace gravement la plupart des êtres vivants, décident de rompre leur voeu séculaire de mutisme à l’égard des hommes.

Avant Tante Hilda ou Mia et le migou, il y avait donc La Prophétie des grenouilles. Dans la plus pure tradition des récits cataclysmiques, le premier long-métrage des studios Folimage conte la survie d’une ménagerie dans une embarcation de fortune au lendemain d’un déluge. A l’image du récit fondateur auquel les personnages font directement référence au cours du film, la cohabitation d’êtres vivants forcément différents est la parfaite occasion de réfléchir aux rapports sociaux. Rapports d’autant plus difficiles que les omnivores côtoient les herbivores qui de leurs côtés redoutent les carnivores qu’une portion quotidienne de pommes de terre ne fait pas rêver. Au regard d’un tel projet, difficile d’imaginer que le film se contente de scènes enfantines. Au ton solennel des grenouilles prophétiques s’accompagnent des thèmes adultes essentiels : l’amour, la trahison, la violence du monde sont autant de réflexions que portent le film avec brio.

Par ailleurs, seize ans après sa première sortie, le film de Jacques-Rémy Girerd conserve sa superbe graphique. Adoucissant l’âpreté explicite du propos véhiculé par certaines séquences, l’animation 2D faite de textures en mouvements n’est pas sans rappeler les premiers dessins d’un enfant (de la même manière que le récit conté évoque les récits des premiers temps). Le « petit monde » de la famille recomposée (le moulin se trouve en haut d’une colline très arrondie) dont nous parle le film renforce la singularité de l’œuvre. Mais ce monde est aussi le nôtre et le message à retirer en fin de métrage est toujours d’actualité : et finalement, que ferions-nous en cas d’Apocalypse programmée ?

Avec justesse, le scénario retarde le happy-end optimiste pour mieux confronter ses personnages à la dure réalité et/ou cruauté de la société. A mesure que le film se resserre sur un espace étriqué en plein ciel ouvert (comme si les personnages devaient observer l’immensité du monde et ses possibilités sans pouvoir y accéder), la violence s’accentue au même titre que les masques tombent. Et le vrai Mal se révèle sous les traits d’un herbivore cruel. A l’inverse de la plupart des productions hollywoodiennes, le long-métrage évite le désamorçage instantané des situations tragiques et les embrasse pleinement pour mieux impliquer son public. Heureusement, entre son apparence enfantine et son propos sombre, La Prophétie des grenouilles recèle de bons et beaux sentiments qui ravissent toute la famille. A l’aide de personnages enthousiastes et atypiques (le modèle de famille proposé est toujours aussi moderne, seize ans après sa sortie !)

Vous l’aurez compris, le charme graphique de La Prophétie des grenouilles opère toujours et colore à merveille un récit sans concession. Loin d’être aussi inoffensif qu’il n’y paraît, le film est à conseiller à tous les publics.

EDITION VIDEO

Le distributeur Folimage nous a fait parvenir la nouvelle édition remasterisée du film, copie qui a été visionnée sur un écran OLED 4K. En plus, il est important de souligner que l’édition est physiquement soignée car il s’agit d’un digipack comprenant deux disques (DVD & Blu-ray) auréolés d’images de productions du film (un effet mosaïque qui habille à merveille le support physique). En somme, une édition essentielle à acheter si vous appréciez le film !

Image et son : une édition haute définition qui permet de redécouvrir le film sous son meilleur jour ! Les couleurs sont très bien retranscrites : entre des noirs vraiment sombres et des jaunes très chaleureux. De séquences en séquences, les teintes dominantes changent mais demeurent bien traitées par l’édition HD ! De plus, le crayonné est bien visible (et c’est plaisant !), notamment sur les animaux. En somme, d’un point de vue graphique, l’édition est la meilleure à ce jour pour (re)découvrir le film.

Pour le son, l’édition propose une piste DTS-HD Master Audio de qualité bien que les musiques soient parfois plus fortes que les dialogues sur certaines séquences. Par ailleurs, une version 2.0 est également disponible (ainsi que des sous-titres anglais).

Interactivités : Une édition très soignée, qui prouve l’importance de ce film (et de sa ressortie) pour le studio.

  • Un making-of conséquent : des interventions de nombreux artistes et un documentaire essentiel jour après jour au fil de la création du film (un film documentaire de Jean-Marc Greffarat). Le film s’intitule « 2 secondes par jour ». D’après le distributeur, le film était déjà présent sur la première édition du film : son absence sur les éditions suivantes est désormais réparée ! On y trouve également des croquis, des interviews, des séances de travail sur le film aux côtés de l’équipe créative, des séances de doublage : une vraie bible sur la création du long-métrage.
  • Une partie CD-ROM centrée sur la pédagogie (des livrets réalisés par la ligue de l’enseignement et Canopé) puisque le film est régulièrement étudié en primaire.

Article rédigé par Nathan

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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