Annecy 2015, jour 1

Lecteur, si tu lis ceci, c’est que tu es tombé sur mon journal de bord du Festival International du Film d’Animation d’Annecy et, qui sait, peut-être le dernier…

Il y a déjà quelques lunes maintenant, j’ai fermé mon ancien repaire, Cineloutres, pour échapper au vil tyran qu’est Anthony, taulier sans scrupule du temple de l’animation qu’est FoA. Pourquoi l’ai-je fermé ? Par la peur, bien entendu. Avec Cineloutres et mon intérêt pour l’animation, j’avais mis un doigt de pied de trop dans le monde d’Annecy et fut kidnappé pour couvrir le festival pour le compte du dit Anthony. Des promesses, un aperçu de la grandeur, je fus faible à l’époque et je pensais avoir appris de mes erreurs, pris mes précautions. Que nenni. En ce samedi 13 juin, au moment où je m’y attendais le moins, je fus enlevé par un commando peu amical et balancé dans la soute d’un TGV en direction d’Annecy. Aaaah, le vil insolent que je fus… je pensais avoir échappé à la Bête, mais non… elle vous rattrape toujours.

J’ai peu de souvenirs du reste du week-end. Un réveil difficile le dimanche matin, des geôliers qui m’amènent dans un grand bureau et c’est les larmes aux yeux que je recevais des mains d’une gardienne aux yeux plein de malice le pass, celui qui signait mon asservitude pour la semaine : j’allais couvrir une fois de plus le festival.

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Au petit matin de ce jour 1, alors que l’on m’extirpait difficilement de mon cachot savoyard, je découvris avec tristesse que Nicolas et Muriel, mais aussi Coralie pour une première fois, s’étaient fait avoir comme moi. Dure époque où des gens comme nous sont exploités contre leur gré. Mais que fait Genève ?

Le taulier Anthony me tendit un planning, d’un air mauvais, ne pouvant s’empêcher de balancer une blague grivoise d’un ton malsain, alors qu’il engouffrait des pains au chocolat. Un frissonnement de dégout plus tard, je regardais le planning qui m’était tendu. La journée serait dure, avec pas moins de 4 séances, dont une de court-métrages, de programmées.

D’ailleurs, à peine eu-je le temps de comprendre ce qui m’attendait, qu’un coup de fouet retentit, claquant dans les airs comme sur ma peau. « Allez feignant, au boulot ! T’as The Case of Hana & Alice à voir ! Hahahaha ! »

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Courant par peur, suivi par Coralie, Nicolas et Anthony, je me dirigeais donc vers la salle fraîchement rénovée de Bonlieu. Un siège rapidement choisi, (ou plutôt un peu pris par dépit vu la masse agglutinée à l’entrée du cinéma, me rappelant la douce ambiance chaleureuse des Halles un samedi de soldes) je n’attendais pas grand chose de ce film japonais réalisé par Shunji Iwai.

Qu’elle ne fut point ma très agréable surprise une fois le générique de fin entamée ! Jouant sur le quotidien des protagonistes, comme le savent si bien faire les maîtres japonais, on découvre une histoire mystérieuse dans une classe de collège où vient d’être fraichement transférée Alice, qui va tenter de la résoudre. Cette histoire la rapprochera d’Hana, sa voisine, qui est impliquée. Entre humour et mystère, c’est un petit vent de fraîcheur agréable pour démarrer le festival, ce qui fait grandement plaisir !

En tout cas bien plus plaisir que l’oeil inquisiteur d’Anthony qui avait l’air de me dire : « mais qu’est-ce que tu fais encore là ? Tu as encore une conférence de presse sur le film à faire avant d’aller voir Tout en haut du Monde ! ». Direction donc la conférence, qui fut intéressante et aux questions sommes toutes assez intelligentes, ce qui est assez rare pour le signaler.

Un repis de courte durée, car déjà les frissons de la terreur parcourait hargneusement mon dos pas encore courbé par la fatigue. Il fallait que j’enchaîne, que j’aille à ma prochaine tâche, qui m’amenait à voir Tout en haut du Monde, réalisé par Rémi Chayé.

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Une fois de plus, ce fut une agréable surprise ! Que ce soit au niveau de la direction artistique donnant un aspect de tableau au film, ou tout simplement de l’histoire et de ses personnages forts, à commencer par l’héroine, le métrage a su tirer son épingle du jeu et attaque en toute pompe la compétition du festival ! Et avec la manière ! Je ne serais vraiment pas étonné qu’il soit le grand gagnant du précieux Crystal.

Autre point intéressant, après un film dans la matinée mettant en scène deux jeunes femmes fortes et indépendantes, celui de Rémi Chayé continue dans la lancée avec Sacha qui, telle une Mulan russe, n’a besoin de personne pour aller au bout de ses convictions. Simple coincidence ou lien avec la thématique du festival ? Les prochains jours me le diront.

En tout cas, c’est avec un big smile sur le visage que je redécouvre l’air pur, avant de me faire rappeler à ma triste réalité. Contrairement aux autres festivaliers, heureux d’être ici, c’était sous la torture que je devais enchaîner les films ou encore les réguliers imprévus. En effet, une armoire à glace m’attendait à la sortie de la salle. Franchement patibulaire, il ne prononça que quelques mots : interview, Shunji Iwai, maintenant.

ARG ! Pourquoi n’y avais-je point pensé ? Bien entendu qu’il y aurait des interviews sauvages… Porté comme un vulgaire sac de pommes de terre, on me déposa devant Carole qui de suite compatis de son regard. Elle avait suggéré l’interview, elle ne pensait cependant pas qu’elle participerait à ce qui avait été pourtant interdit il y a bien des années en France. Heureusement pour moi, l’interview se passa sans encombres et le réalisateur japonais ne fut point avare de réponse. Ouf. Je pourrais surement manger ce soir.

Après tout cela, j’avais enfin le droit à une courte pause, avant de retourner au labeur, représenté ici par la séance de Miss Hokusai, réalisé par Keiichi Hara.

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C’était une de mes grosses attentes du festival et je dois bien avouer que je suis quelque peu sceptique. Disons que j’ai encore besoin de digérer un peu le film, ne sachant pas encore vraiment si j’ai adoré ou si j’ai juste bien aimé. Un chipotage pourrait-on dire, mais il a son importance. En effet, autant je fus conquis une fois de plus par le travail graphique du réalisateur, qui sait toujours autant mélanger un chara design aux lignes épurées à des décors riches et somptueux, autant j’ai encore du mal à saisir la finalité du métrage. Hautement contemplatif, au rythme lent, on y retrouve la vie de la fille du grand Maître Hokusai, son quotidien, le tout avec quelques touches de fantastiques flirtant avec le folklore nippon. Indéniablement, le film a des qualités. Peut-être mériterait-il un deuxième essai.

En tout cas, après ceci, c’était enfin l’heure de se ravitailler. Mes renseignements me disaient que toute l’équipe se réunissait à Bonlieu, où Muriel d’un côté allait assister à la séance du très attendu film Le Prophète, par le réalisateur du Roi Lion, et où nous autres allions nous sustenter.

Anthony d’ailleurs, à la surprise générale, semblait jouasse et nous teasa même de succulents bagels. L’eau à la bouche, je ne vous cache pas que c’était l’apogée de ma journée ! Mais une fois de plus, ce n’était qu’une ruse de l’infâme tyran, qui d’un rire à vous glacer le sang nous révéla que la gargote visée était fermée… Nous devions donc nous contenter d’un vulgaire Quick, alors que je pleurais à la porte de l’autre restaurant. Je sus alors à ce jour que je me vengerais, fort, très fort.

Le triste repas avalé, il fallait retourner au charbon. Et c’est là que j’ai compris toute l’étendue du pouvoir machiavélique de ce festival, qui devait s’être associé à Anthony. Je ne sais pas si vous avez vu Orange Mécanique et plus spécialement la scène du lavage de cerveau utilisant des vidéos… Et bien figurez vous qu’on raconte que la session des Courts Métrages en Compétition 6 était ce qui était prévu à la base dans le film, mais que ça avait été jugé trop violent. Fun Fact, non ?

Je me suis donc retrouvé devant 10 courts métrages plus étranges les uns que les autres, horribles pour certains, incompréhensibles pour presque tous où l’on a dû finir par me faire une perfusion de sang pour compenser tout ce que j’avais perdu par les yeux. Une expérience… intéressante, on dira, qui ne sera clairement pas simple à retranscrire sur le papier.

Ivre de fatigue, je me disais tout de même à la sortie de la séance que je tenais MA chance pour m’enfuir loin de ce cercle de l’Enfer. A plus d’une heure du matin passé, je pensais que j’avais le champ libre… mais c’était sans compter sur l’armoire à glace vue un peu plus tôt dans l’après midi, qui m’attendait bien sagement pour me traîner jusqu’à mon cachot. Ce ne serait pas encore pour ce soir, me disais-je, non sans avoir une tendre pensée pour mes compagnons d’infortune dont je ne manquerais pas de vous donner des nouvelles prochainement.

En tout cas, après ces « quelques » lignes, je vous dis à demain pour de nouvelles « aventures ».

Bisous tous doux.

On dit souvent que les loutres, c'est cool. Et bien on a raison et même plus encore. David en est justement une, de celles qui aiment manger des kg de films d'animation et en parler par ici. On dit aussi qu'il le fait parce qu'il aime les coups de fouet d'Anthony, mais chut !

2 comments On Annecy 2015, jour 1

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