(Annecy 2020) Bigfoot Family de Ben Stassen & Jérémie Degruson

Trois ans après leur première aventure, la famille d’Adam, le jeune Bigfoot, et leurs amis les animaux de la forêt repartent pour une nouvelle histoire trépidante pour déjouer les plans capitalistes d’une entreprise faussement écologique. Entre l’omniprésence contraignante des médias et la célébrité soudaine de son père, Adam tente de vivre comme un adolescent ordinaire (aux pouvoirs extraordinaires). Entre une narration plus ciselée que la première aventure et une animation toujours plus maîtrisée, Bigfoot Family devrait satisfaire un large public lors de sa sortie en salles le 5 août prochain. Un pur divertissement qui ne prétend pas être autre chose ! 

Résumé : La famille d’Adam est, à présent, au grand complet ! Adam est devenu une célébrité très prisée. Il souhaite utiliser son nouveau statut afin de le mettre au service d’une cause qui lui tient à coeur ; la protection de l’environnement. Adam se lance dans une aventure, en Alaska, avec ses amis, les animaux.

(c) nWave Pictures

On prend les mêmes et on recommence pourrait être le credo caractérisant au mieux cette nouvelle entreprise des studios nWave Pictures qui ne cessent d’exploiter les multiples ressources sensationnelles de la CGI. Même si le temps de l’unique démonstration technique est loin derrière eux, l’amour que les équipes créatives portent à la 3D Relief transparaît encore dans cette nouvelle aventure au cœur de la Rocky Valley en Alaska. Alors que cette technologie démocratisée par Avatar en 2009 est à bout de souffle, les studios belges n’en démordent pas et continuent à l’exploiter à bon escient. Dynamisme et aventures trépidantes mènent le récit à la baguette pour en mettre plein la vue au public, d’autant plus que l’upgrade graphique est évident. Tandis que l’animation comportait bons nombres de défauts dans Royal Corgi (la précédente excursion des studios belges sur grand écran), on ne peut que saluer les efforts entrepris sur l’esthétique de Bigfoot Family. Les décors sont magnifiques et les textures plus soignées qu’auparavant (même si l’animation de certains personnages laissent encore à désirer, comme la présentatrice télé) : que de chemin parcouru depuis Fly Me to the Moon ! Visuellement épatant, le long-métrage de Ben Stassen et Jérémie Degruson fait honneur aux régions visitées par les personnages, inscrites dans notre réalité.

Malheureusement, le métrage n’atteint pas toujours les objectifs fixés. Agréablement construit autour d’une relation père-fils en difficulté, le scénario déroule ses péripéties sans oser l’originalité qui lui permettrait de s’envoler. Comme toujours, nWave Pictures pourraient parvenir à une meilleure efficacité cinématographique en se faisant davantage confiance sans passer irrémédiablement par des effets « cools » contre-productifs. Toujours agrémenté de sons pop-rocks ou de séquences humoristiques parfois peu inspirées, le film perd en puissance. Evidemment, le raton laveur saura faire rire les jeunes spectateurs mais il aurait été intéressant d’inclure également les plus grands qui se délectent en de rares occasions du propos satirique porté par le film. Comptant plus sur ses nombreuses scènes d’action au dynamisme indéniable (dont une séquence finale au cœur d’une mine sous forme de grand huit animé propice aux effets de relief), le métrage en oublie presque de raconter une histoire surprenante. 

(c) nWave Pictures

Tout est trop convenu : pourtant, le potentiel est là mais les raccourcis narratifs sont irritants (à l’image de l’infiltration d’Adam dans le complexe pétrolier). Entre une palette de personnages pleine de promesses (les animaux, les pouvoirs de la famille Bigfoot et la présence plus importante de la mère de famille) et un propos dans l’air du temps (l’écologie et le profit que certains en retirent), Bigfoot Family aurait pu être plus qu’un divertissement familial seulement agréable. La cause écologique au cœur du récit est évidemment plus convaincante que l’histoire capillotractée (vous apprécierez le jeu de mots parfaitement approprié) du premier film, d’autant plus qu’elle offre probablement la plus belle séquence du film lorsqu’un travelling arrière, accompagné d’une musique litanique, dévoile l’exploitation pétrolière menaçant la beauté de la vallée (entraperçue lors d’un road-trip en camping-car témoignant du savoir-faire technique des équipes à l’oeuvre sur le film). 

Passé le constat d’assister à un spectacle un brin inoffensif, on peut compter sur un regard critique vis-à-vis des médias et du merchandising envahissant nos sociétés pour nous combler. Le père d’Adam est devenu un produit marketing à exploiter autant que possible (casque VR, panneaux publicitaires, interviews télévisiées) tandis que son fils cerne rapidement les effets des réseaux sociaux en retouchant l’une des vidéos de son père pour le soutenir dans sa quête écologique. Conscient du monde qu’il représente, le long-métrage porte une belle réflexion sur les enjeux de l’information en temps réelle tout en rendant hommage aux productions passées des studios belges (on aperçoit des vignettes de Royal Corgi, Samy et Le Manoir magique au détour d’une séquence sur le net). 

Divertissement à part entière, Bigfoot Family s’inscrit dans la droite lignée des productions nWave Pictures. De plus en plus à l’aise dans l’art de créer des imageries maîtrisées, les équipes du studio belge doivent encore faire leurs preuves sur le plan narratif. Privilégiant trop souvent un récit balisé et convenu, le film plaira avant tout aux jeunes spectateurs sans pour autant ennuyer les plus grands. Une belle séance à prévoir cet été !

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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