(Critique) Manou, à l’école des goélands de Christian Haas & Andrea Block

La cuvée estivale des films animés est désormais bien lancée. Parmi elle, nous découvrons le premier long-métrage d’un jeune studio allemand (LUXX Film), Manou, à l’école des goélands réalisé par les expérimentés Christian Haas et Andrea Block (déjà à l’origine d’effets spéciaux de films en prises de vues réelles). Pour leur première expérience à la barre d’un film à part entière, ils ont fait le choix d’une narration convenue (le parcours semé d’embûches d’un jeune orphelin pour gagner en maturité) à l’esthétique soignée. Un pari mesuré qui ravira de nombreux spectateurs à défaut de rester dans les annales du cinéma d’animation.

Synopsis : C’est l’histoire d’un martinet orphelin, élevé par des goélands. Courageux comme ses parents et astucieux comme tous les siens, il parviendra à réunir ces deux familles d’oiseaux qu’à priori tout oppose.

En suivant méthodiquement le cahier des charges d’un film animé aux personnages animaliers, l’équipe créative perd tout espoir de bâtir son propre univers en oubliant de s’affranchir des poncifs du genre (L’envol de Ploé, Le Voyage de Ricky, Zambezia et tant d’autres encore sont déjà passés par là). Tout y est : du récit d’apprentissage à la séquence de romantisme musicale entre les deux personnages principaux. A l’image de nombreux studios naissants, LUXX Film ne parvient pas à dépasser le stade du simple divertissement à l’imagerie soignée. Pour autant, Manou, à l’école des goélands n’est pas un mauvais film, loin de là. A partir d’un schéma narratif traditionnel (recueil d’un orphelin par une « tribu » d’une race différente / l’apprentissage d’un comportement contre-nature car le jeune Manou n’est pas un goéland / rejet par cette même communauté), les réalisateurs proposent des séquences dynamiques et cohérentes qui n’entachent jamais le projet du film : celui de nous divertir.

(c) LUXX Studios

Au gré de décors animés avec soin, les goélands et les martinets évoluent avec aisance. Les travellings peuplent évidemment le métrage, comme dans tout récit contant les aventures d’oiseaux qui se respecte, mais il est dommage que la mise en scène manque trop souvent de personnalité. Il y a bien quelques idées de mise en image inventive, disséminées au fil du récit (on pense notamment aux images d’un cimetière pluvieux), mais elles sont trop rares pour justifier une telle histoire. Par ailleurs, si les décors et les éclairages sont ciselés, il en va tout autre des personnages, pourtant au centre de l’oeuvre. Evidemment, les budgets ne sont pas les mêmes entre les grosses productions américaines et les studios indépendants européens, mais les oiseaux sont parfois bloqués par un statisme peu flatteur, de même que leurs plumes restent tragiquement figées. Alors que certains studios font du photo-réalisme un étendard, ce premier film a, quant à lui, du mal à s’affranchir de son apparat numérique.

Mais nous ne sommes qu’aux balbutiements d’une nouvelle équipe qui a de quoi voler de ses propres ailes (la métaphore est facile, mais l’image est éloquente). Les moments de bravoure se succèdent pour imposer le caractère valeureux de personnages modèles : qu’il s’agisse d’un sauvetage d’oeufs face à des rats terribles ou d’une tempête dantesque à affronter, les instants puissants s’enchaînent pendant les quatre-vingt minutes du long-métrage et profitent d’une bande originale adaptée, bien qu’un peu anecdotique. Le potentiel est là, mais l’équipe créative doit oser prendre les bonnes décisions pour affirmer un style plus singulier.

(c) LUXX Studios

On l’aura compris, ce nouveau film allemand n’a rien de mémorable bien qu’il serve de belles valeurs à ses spectateurs. Valeurs attendues par ce type de production mais qui n’en restent pas moins essentielles : tolérance, entraide et ambition sont les sentiments moteurs d’un personnage principal perfectible. En apprenant de ceux que l’on rejette à cause de leurs différences, on peut progresser et s’améliorer : leçon que les personnages assimilent peu à peu jusqu’au dénouement cousu de fil blanc (mais est-ce un mal?)

Manou, à l’école des goélands est une aventure sincère qui ravira ses jeunes spectateurs avec efficacité. Malheureusement, les plus grands auront l’impression d’avoir déjà vu le film une dizaine de fois tant le scénario choisi n’apporte rien de nouveau à ce qui a déjà été fait par le passé. Les récits ornithologiques sont décidément une véritable source d’inspiration pour les studios d’animation aux quatre coins du monde…

Critique rédigée par Nathan

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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