(Critique) Violet Evergarden : Eternité de Haruka Fujita

Très attendu par les fans de la première heure – Violet Evergarden est une série de light novel japonais écrite par Kana Akatsuki et illustrée par Akiko Takase mais également une série animée proposée sur Netflix depuis l’année dernière – le premier long-métrage dédié à la Poupée héroïque arrive enfin sur nos écrans français grâce au distributeur Eurozoom. Portée par le studio Kyoto Animation (funestement au cœur de l’actualité depuis l’année dernière à cause d’un incendie ayant ravagé les locaux de l’entreprise et tué plus de 30 employés), déjà à l’office sur la série animée, la production nippone émeut beaucoup et dit tout de la force des mots pour panser les douleurs passées ou les séparations difficiles.

Synopsis : L’histoire se déroule dans un monde d’après-guerre où des jeunes femmes appelées Poupée de souvenirs automatiques aident des personnes à mettre sur papier leurs sentiments. Nous suivons le quotidien de Violet Evergarden, ex-soldate sans émotion, Ainsi, elle explore différentes émotions issues des gens qu’elle rencontre. Mais son passé trouble la rattrape.

(c) Kyoto Animation

D’entrée de jeu, le spectateur comprend qu’il met les pieds dans un univers dicté par le raffinement. Doté d’une animation subtilement travaillée, Violet Evergarden : Eternité et la poupée de souvenirs automatiques (n’est-ce pas un peu trop long?) peut compter sur un apparat soigné pour plaire au plus grand nombre : qu’il s’agisse des éclairages réfléchis ou des cadres mûrement travaillés, le film est graphiquement sublime (mais ce n’est pas vraiment une surprise quand on connaît le studio qui mène cette entreprise artistique). A l’esthétique nimbée de lumière fait écho l’attention portée aux mots. La lettre, cet écrit désuet qui ne sert plus qu’à régler des affaires administratives dans notre XXIème siècle ultra-connecté, est au cœur du propos filmique et véhicule le bonheur tant recherché par les protagonistes. « Les postiers distribuent le bonheur » affirme d’ailleurs l’un des personnages féminins.

Autre point positif, et non des moindres pour conquérir un nouveau public, il n’est pas nécessaire de connaître les romans originels ou la série animée pour comprendre le film (à l’heure où j’écris ces lignes, je n’ai découvert que le film). Rapidement, les motivations de l’héroïne au sens moderne du terme – n’est-elle pas totalement dévouée au bonheur d’autrui ? – s’éclaircissent et font douloureusement échos à l’histoire du studio en charge du projet. Jeune femme conçue pour le combat, Violet se reconstruit en reconstruisant les autres. Véritable ange gardien qui officie par les mots, elle n’hésite pas à se mettre en retrait dès lors que son travail est fait. Son arme : une machine à écrire. Personnage principal gorgé d’humilité, Violet Evergarden ne peut qu’émouvoir et il est évident que si de nouveaux spectateurs (tels que moi) découvrent l’univers de ce personnage grâce au film, on ne tardera pas à vouloir visionner la série animée pour prolonger cette rencontre pleine d’émotion.

(c) Kyoto Animation

Mais le long-métrage d’Haruka Fujita est encore plus qu’une belle coquille parsemée de bons et beaux sentiments, il est également une belle réflexion sur le monde et les différences. Nombreux sont les plans sur les mains des personnages, dirigées vers le ciel et son immensité (ce qui n’est pas sans rappeler quelques plans du long-métrage Liz et l’oiseau bleu sur lequel la même équipe avait officié). Qu’il est émouvant de voir les mains robotiques de Violet se lier à celles d’Isabella pleines d’humanité, métaphore sublime d’une société hybride qui trouve la force de se relever dans sa diversité. Grâce à des relations subtiles et déchirantes entre les personnages, le scénario plutôt simpliste sur le papier se colore d’une dimension tragique à l’écran.

En revanche, quelques défauts parsèment Violet Evergarden : Eternité à l’image de sa construction narrative. Le métrage développe son récit en deux temps (deux épisodes ?) Tandis que Violet vient en aide à une châtelaine pour son bal de débutantes en première partie, elle soutient une jeune fille rêvant d’apprendre à lire dans la deuxième. Même si les deux personnages aidés par Violet ont un lien fort, deux univers s’opposent. A l’intimité subtile de la première moitié succède l’univers steam-punk de la deuxième. Visuellement plus riche, la seconde partie du film est magnifique et ne recourt plus aux compositions musicales parfois larmoyantes de la première partie pour toucher le public. Fort heureusement, le film dévoile réellement son potentiel au fur et à mesure que les liens se tissent.

Comme le dit si bien l’un des personnages du film, l’important est de « donner la volonté de continuer à vivre » malgré la douleur, les échecs ou les souffrances passées. Tandis que le studio Kyoto Animation doit se relever de son tragique incendie, Violet Evergarden se propose, de son côté, de trouver une raison de vivre en aidant les autres. Avec un tel récit, difficile de ne pas succomber au charme de cette « poupée » à l’altruisme bien placé, d’autant plus que l’animation est magnifique.

Critique rédigée par Nathan

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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