(Critique) Toy Story 4 de Josh Cooley

Dire que l’on craignait ce quatrième opus est un euphémisme tant la conclusion offerte par le troisième opus était parfaite en tous points et clôturait à merveille l’histoire d’Andy et ses jouets. Josh Cooley avait, en plus, la lourde tâche de succéder à deux grands noms de l’animation : John Lasseter mais également Lee Unkrich, d’anciens piliers des studios à la lampe de bureau. Fort heureusement, lorsque le générique de fin apparaît sur le grand écran, on sèche nos larmes et nous repensons à cette belle réussite animée qui parachève une saga qui n’aura finalement connu aucun impair. La vie est décidément pleine de surprises et les studios Pixar réussissent encore une fois à nous prendre aux tripes.

Synopsis : Woody a toujours privilégié la joie et le bien-être de ses jeunes propriétaires – Andy puis Bonnie – et de ses compagnons, n’hésitant pas à prendre tous les risques pour eux, aussi inconsidérés soient-ils. L’arrivée de Fourchette un nouveau jouet qui ne veut pas en être un dans la chambre de Bonnie met toute la petite bande en émoi. C’est le début d’une grande aventure et d’un extraordinaire voyage pour Woody et ses amis. Le cowboy va découvrir à quel point le monde peut être vaste pour un jouet…

Première bonne idée : faire directement suite au troisième opus sans s’enliser dans un préquel redouté. Après une subtile introduction qui flatte la rétine et promet un métrage à l’apparence soignée, le film démarre sur les chapeaux de roue avec la création de Fourchette. Une création au cœur du propos filmique : jusqu’ici, les scénaristes avaient questionné le rapport des jouets avec leurs enfants en éludant le questionnement existentiel des êtres créés. Un déchet peut-il être un jouet ? Un jouet est-il seulement voué à combler les envies d’enfants imprévisibles ? Autant de questions qui laissent place à des séquences aux accents philosophiques. L’une des premières forces du film est de prendre le temps de développer ces réflexions tout en n’omettant pas la beauté des plans. On pense au prologue narrant la séparation de Woody et la Bergère sous une voiture en début de métrage alors qu’une pluie battante noie la rue ou même à la promenade éclairante de Woody et Fourchette au bord d’une route américaine. Avec intelligence, le vingt-et-unième long-métrage des studios Pixar conte une nouvelle aventure pleine de sens qui légitime à merveille son existence.

(c) Pixar Animation Studios

Evidemment, Bonnie n’a pas le même attachement que pouvait avoir Andy avec ses jouets mais l’émotion n’est pas en reste dans un film explicitement tourné vers l’avenir. Alors que le troisième opus mettait un terme à la relation d’Andy avec ses jouets, ce nouvel opus a, quant à lui, la lourde tâche d’achever le parcours des jouets dont il avait la garde avant de les léguer à Bonnie. Bien qu’il soit difficile de faire plus touchant que la conclusion du film précédent, les scénaristes ont concocté un final attendu pourtant magnifié par la mise en scène douce amère de Josh Cooley. S’éloignant du simple univers des jouets, le dénouement résonne en chaque spectateur quel qu’il soit. Toute vie est faite de virages qu’il est parfois dur à prendre (la décision de mettre un terme aux suites chez Pixar en est-il le bon exemple ?) Difficile de ne pas verser une larme lorsque le temps de la réplique finale est venue, celle-ci renouant avec les premières heures de la saga.

Heureusement, le film ne se contente pas de nous faire pleurer, il prend également le temps de nous faire rire grâce à ses nouveaux personnages qui ne manquent pas d’originalité. Qu’il s’agisse du binôme Ducky et Bunny à l’origine des scènes les plus inattendues (leur propension à imaginer des futurs possibles est un régal) ou de Duke Caboom et son accent québécois, l’humour est parfaitement dosé. Les gags sont plus visuels que dans la trilogie originelle (et les inférences imaginaires des deux peluches solidaires en sont la preuve – à ce titre, on ne peut que vous conseiller de rester pendant le générique !) alors que les personnages habituels sont mis en retrait. Buzz, Jessie, le couple Patate et tant d’autres encore ont le droit à quelques séquences dispersées ici et là mais les véritables héros de ce quatrième opus sont Woody et la Bergère. Quant à l’antagoniste principale du film, elle ne rivalise jamais vraiment avec le superbe traitement narratif de l’ours Lotso du troisième opus. Malgré cela, elle éloigne encore un peu plus le prisme manichéen du film en se dévoilant au fur et à mesure des séquences qui lui sont dédiées. A l’origine de scènes angoissantes (les références au cinéma de genre sont nombreuses et délicieuses), elle est aussi au service de lignes narratives plus touchantes.

(c) Pixar Animation Studios

Quant à la réalisation, tout est magnifique (on aurait presque envie de faire pause sur chaque photogramme tant le travail y est soigné) et le degré de réalisme n’a jamais été aussi poussé. Les courses poursuites à l’arrière des meubles dans la boutique de l’antiquaire sont magnifiées par la poussière envahissant les recoins visités. Jamais un film en images de synthèse n’aura été aussi désireux de respecter la réalité tout en l’utilisant à bon escient pour magnifier les émotions des personnages. Depuis 1995, le saut technologique est incroyable mais l’animation reste maître en la matière : les éclairages de la fête foraine subliment la plupart des séquences du film. Et que dire du teint de porcelaine de la Bergère ? Il est ravissant de précision.

Mais Toy Story 4 c’est aussi l’hommage permanent aux productions des studios Pixar. Les clins d’œil s’enchaînent avec parcimonie sans prendre le dessus sur le scénario du film. On y croise des références à Cars, à La-Haut, à Monstres & Cie et bien d’autres encore mais également aux court-métrages de la firme. Quel plaisir de voir des VHS de Lifted ou de Knick-Knack dans le magasin des antiquités. Ne serait-ce pas la promesse de futurs redécouvertes passionnantes ? Toy Story 4 signe normalement la fin d’une ère chez Pixar (celle des suites à foison) et sonne comme un bel hommage à l’ensemble de la filmographie constituée jusqu’ici.

En somme, ce quatrième opus n’était peut-être pas une nécessité sur le papier mais il le devient lorsqu’il dévoile ses véritables enjeux, à quelques répétitions près. Drôle, touchant et rutilant, il a de quoi faire rêver tous les fans de la saga en mêlant les genres avec brio. Espérons toutefois que cet ultime chapitre de l’existence des jouets le restera et que les studios tiendront parole en affirmant qu’ils en ont fini avec les suites. Il serait dommage d’entacher une telle fin avec un cinquième opus (bien que l’on se soit dit la même chose à l’issue du troisième…)

Critique rédigée par Nathan.

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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