(Annecy 2020) 7 Days War de Yuta Murano

Autre film en compétition officielle, autre ambiance. 7 Days War commence comme une histoire d’amour conventionnelle tout droit venue du pays du Soleil Levant avant de prendre le chemin d’une chronique d’adolescence en souffrance teintée de satire sociale. Yuta Murano affirme d’ailleurs dans un entretien pour le Festival d’animation d’Annecy qu’il a voulu rendre son histoire universelle en s’éloignant des effusions fantastiques de ses confrères nippons (on pense à Makoto Shinkai pour n’en citer qu’un). Aventure solidaire et solaire, 7 Days War est une charmante proposition animée distribuée par Eurozoom sur le sol français (que l’on remercie pour la découverte du film).

Résumé : Ne supportant plus la pression qu’ils subissent au quotidien de la part de leur parents et de leurs professeurs, un groupe de lycéens décide de se barricader dans un bâtiment abandonné de l’école. Ils y resteront 7 jours.

(c) Osamu Souda, KADOKAWA/Seven Days War Partners

Film de son temps, cette nouvelle production japonaise veut se faire la porte-parole des douleurs des jeunesses actuelles. Se barricadant dans une usine abandonnée, un groupe de jeunes adolescents font la rencontre d’un jeune immigré contraint de fuir la menace d’un retour forcé en Thaïlande. Prenant à bras le corps des sujets forts de notre société contemporaine, 7 Days War manque parfois de subtilité (les personnages explicitent trop souvent les motivations de chacun) mais qu’il est important que de telles thématiques soient portées par un film grand public. Répercussions désastreuses des réseaux sociaux, discriminations multiples, marché du travail saturé, immigration tragique : autant de lignes narratives constituant les enjeux sous-jacents du récit. Avec de tels sujets, le film aurait rapidement pu devenir sombre et violent mais il n’en est rien parce qu’il préfère s’appesantir sur l’incroyable aventure de la bande d’amis en devenir.

Yuta Murano fait le choix d’une intrigue volontairement édulcorée, parachevée par un dénouement résolument optimiste, pour toucher du doigt l’espoir de cette bande de personnages solidaires. Erigeant l’entraide et la sincérité au rang de valeurs essentielles, le scénario pousse les personnages à révéler leurs secrets les plus intimes dans une explosion cathartique dans la dernière partie du film. Explosion des voix, des corps et des vérités pour atteindre l’amitié sincère tant recherchée. Tout cela fleure bon l’utopie aux accents métaphoriques trop explicites (l’envolée finale au beau milieu de lanternes illuminées), mais c’est fait avec tant d’amour et d’enthousiasme que l’on ne peut qu’apprécier. Sans privilégier un thème par rapport à l’autre, le film vise une forme d’exhaustivité bienvenue. A l’image de ces personnalités si différentes (que le film aurait néanmoins pu approfondir davantage), les problématiques existentielles de chacun sont variées.

(c) Osamu Souda, KADOKAWA/Seven Days War Partners

Sur le plan graphique, le film est soigné mais il manque d’un soupçon d’originalité. Le character design manque d’inspiration tandis que les décors (assez rares étant donné que les personnages se barricadent dans une usine abandonnée) manquent de variété. On peut alors compter sur une mise en scène cohérente et dynamique pour compenser le manque de singularité esthétique du film. Il est également dommage que le film se contente parfois de réinvestir des rouages cinématographiques propres au cinéma nippon : une chanson pop-rock inaugure le film tandis que certaines séquences privilégient la succession d’images fixes. Mais le courage qu’il n’a pas sur le plan de l’animation, le film l’a dans son scénario en abordant frontalement l’homosexualité ou la haine numérique (cette dernière étant violemment représentée au détour d’une séquence forte voyant déferler les propos sur le net). 

Porté par un personnage principal touchant, qui affirme dès la scène introductive qu’il se sent seul, le film de Yuta Murano entretient de beaux liens avec la guerre franco-allemande de 14-18. Fasciné par cette guerre et ses surprises tactiques, le jeune homme souligne toujours les ponts entre leur propre guerre adolescente face au monde si repoussant des adultes et le conflit européen. L’idée est intéressante et se concrétise avec humour à l’écran lorsque l’équipe d’enfants repousse incessament les assauts de ceux qui veulent les extirper de l’usine. Conclu par un subtil recommencement éternel faisant de la révolte adolescente un rite de passage nécessaire, 7 Days War est un film à l’enthousiasme débordant !

En somme, 7 Days War est une belle surprise. Caustique, dans l’air du temps et touchant, le long-métrage de Yuta Murano fait du bien au cœur sans pour autant révolutionner le genre. Jusqu’à son twist final charmant, le film embrasse constamment ses sujets importants pour convaincre un large public. A découvrir au plus vite lorsqu’il sera disponible en salles sur le sol français !

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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