[Critique cinéma] Les Pirates ! Bons à rien, mauvais en tout.

Du côté du monde de l’animation, la création en pâte à modeler n‘est pas la technique la plus utilisée et pourtant, elle se révèle souvent être un outil idéal pour véhiculer de l‘originalité (on pense aux univers de Tim Burton ou de Garri Bardine). Ainsi, lorsque le studio Aardman, les maîtres du genre, décidèrent de mettre en chantier l’adaptation d’un roman humoristique de Gideon Defoe sur les pirates aux côtés du Sony Pictures Animation, notre impatience était sans précédent. Réalisé par Peter Lord (sans son acolyte Nick Park, à l’origine du célèbre duo Wallace & Gromit) et Jeff Newitt, Les Pirates ! Bons à rien, mauvais en tout ! est un très bon cru du studio anglais même s’il n’atteint pas la hauteur des œuvres précédentes.

[message]Malgré son enthousiasme, le Capitaine Pirate a beaucoup de mal à se faire passer pour une terreur des mers. Secondé par un équipage aussi peu doué que lui, le Capitaine rêve pourtant de battre ses rivaux, Black Bellamy et Liz Lafaucheuse, en remportant le prestigieux Prix du Pirate de l’Année. Pour le Capitaine et son drôle d’équipage, c’est le début d’une incroyable odyssée qui, des rivages de Blood Island jusqu’aux rues embrumées de Londres, va les conduire d’épreuves en rencontres. S’ils vont faire équipe avec un jeune scientifique du nom de Charles Darwin, ils vont aussi devoir affronter mille dangers et tenter de survivre à la reine Victoria, qui voue une haine absolue aux pirates… En avant pour l’aventure ! [/message]

Le Capitaine Pirate est en quête du Prix du Pirate de l’Année, mais ce n’est pas chose facile de l’obtenir lorsque l’on commande une bande de pirates tout aussi malchanceux qu’ils sont originaux. Avec un pitch aussi réjouissant que celui-ci, les artistes du studio avaient matière à proposer une aventure hilarante, alors rassurez-vous, on rit beaucoup. En effet, l’humour, qu’il soit visuel (grâce aux nombreux gags qui jalonnent le long-métrage) ou auditif (les répliques sont ciselées et vont même parfois tellement vite qu’un second visionnage paraît essentiel pour parvenir à s‘en délecter) relève d’un vrai travail d’écriture. Mais cette excellence dans l’écriture dialoguée, qui ravira surtout les plus grands (bons nombres de références seront difficile d’accès aux plus jeunes), met aussi en relief la platitude de l’intrigue. Alors que les personnages s’enchaînent et ne se ressemblent pas (les concurrents du Capitaine Pirate, par exemple), aucun d’eux n’a le droit à un traitement psychologique digne de ce nom, si ce n’est par le biais de l’humour. Malgré tout, l’aventure de ces pirates se suit avec plaisir et entrain, et si l’histoire n’est pas forcément palpitante, la réalisation est extrêmement efficace.

Peter Lord et son équipe n’en sont pas à leur premier film et cela se voit. L’animation est brillante, qu’il s’agisse des personnages animés en pâte à modeler image par image ou bien des décors pour la plupart créés par ordinateur qui proposent de véritables tableaux. En ce sens, les plans d’ensemble sur le navire du capitaine sont splendides, résultant d’un travail technique sur l’animation mais aussi sur la lumière. De plus, la 3D Relief qui se révèle très fréquemment décevante est ici charmante, conférant une profondeur à ces plans très travaillés ou les détails abondent. De même, l’apport de la pâte à modeler permet aux animateurs de jouer sur l’aspect caricatural des personnages, dont l’aspect outrancier de la reine Victoria frappe dès la première séquence jusqu’à la dernière ou l’univers complètement décomplexé du studio Aardman s’affirme. Agrémenté d’une bande originale aux sons pop/rock rythmée et d’un doublage très efficace (Edouard Baer semble prendre un malin plaisir à incarner ce pauvre capitaine désespéré), l’écrin du film est tout à fait jouissif !

En conclusion, Les Pirates ! Bons à rien, mauvais en tout aurait pu prétendre au statut de chef d’œuvre animé s’il avait su offrir une intrigue plus intéressante à ces personnages pourtant charmants, mais fort heureusement, le travail technique du studio Aardman est une nouvelle fois une réussite et permet au film d’être complètement plaisant à voir, et à revoir ! Pour les petits, mais surtout pour les grands !

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

Laisser une réponse:

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Site Footer