(Critique) Diplodocus de Wojtek Wawszczyk

Oh la jolie petite surprise que voilà ! Diplodocus est une charmante curiosité polonaise qui sort enfin sur les écrans français grâce à Pan Distribution après sa sélection au Festival d’animation d’Annecy en 2024. Et il ne faut pas vous fier à la campagne promotionnelle un brin réductrice du long-métrage car dès les premières séquences on comprend que l’on va découvrir une œuvre aux thématiques riches et à l’exécution soignée. Un film qui mérite assurément une découverte en salles, et en famille, tant il recèle de trésors d’imagination ! 

Résumé : Le petit dinosaure Diplodocus rêve de vivre une grande aventure. Malheureusement, ses parents surprotecteurs ne le laissent pas explorer le monde magnifique mais dangereux au-delà du mur qu’ils ont construit pour protéger leur foyer dans la jungle. Diplo ne sait pas encore que son univers fait en réalité partie d’une bande dessinée créée par Ted, un artiste rêvant de succès.

(c) Pan Distribution

Tout commence par un long travelling au-dessus d’un marais mortifère qui nous emmène jusqu’au foyer du jeune dinosaure prénommé Diplo (l’originalité !) couvé par des parents constamment inquiets des risques qu’il pourrait courir en s’éloignant de la « maison ». Dès cette première séquence, classique dans son écriture, la mise en scène astucieuse et décalée du long-métrage s’exhibe par le biais de placements de caméra ironiques. Mais c’est dans la séquence qui suit, alors que des scènes en prises de vue réelle s’invitent à la fête, que le film de Wojtek Wawszczyk révèle son véritable potentiel. Le créateur fictif du jeune dinosaure, personnage de BD, entre en collision avec les désirs d’une éditrice obnubilée par les oeuvres mignonnes parfois dépourvues de sens. En plongeant dans l’imaginaire d’un artiste, Diplodocus s’offre un éventail de possibilités créatives tout en construisant une importante réflexion sur les points de divergence des artistes et de leurs mécènes. L’artiste peut-il s’épanouir, et par là-même ses personnages, en répondant à un cahier des charges qu’il n’établit pas lui-même ? Le long-métrage s’évertue à nous démontrer qu’il est impossible de rester soi-même en singeant les modes, et c’est tant mieux !

Commence alors une aventure à l’imagination débordante, pour le plus grand plaisir de l’ensemble des spectateurs. Face au « vide-blanc » effaçant son monde, le jeune Diplo se lance dans une aventure inimaginable aux quatre coins de l’imagination de son créateur. Grâce à une bande originale synthétique faisant la part belle à l’épuration et à une animation 3D de qualité, notamment dans la modélisation des personnages et des décors, le film touche autant qu’il divertit. Renouvelant sans cesse ses aventures grâce à une importante diversité de paysages mais aussi de personnages (mon coup de coeur allant vers l’âne philosophe, associant à merveille une bêtise apparente à une sagesse inhérente), le scénario fait voyager ses personnages dans un « tunnel » inter-dimensionnel tapissé d’illustrations : quelle merveilleuse idée ! En réinventant les schèmes classiques du voyage initiatique, à l’image de sirènes guidant les marins remplacées par des tuyaux personnifiés, Diplodocus allie l’utile à l’agréable. 

(c) Pan Distribution

Difficile de ne pas penser à l’écriture méta du réjouissant film La Grande aventure Lego devant cette production polonaise au grand coeur. Jusqu’à sa séquence finale, émouvante au possible, Diplodocus se veut sincère en faisant évoluer son jeune dinosaure tout en pavant la quête artistique de son créateur d’une essentielle affirmation de son art. Et quand le pouvoir créatif est donné à celui qui ne le maîtrise pas… Gare aux conséquences ! Parfois, le film frôle l’éparpillement à cause de ses nombreux personnages secondaires (et ses intrigues démultipliées, à l’image de la quête du magicien Hocus Pocus, ridiculement touchante) mais également du caractère illimité de son histoire. Néanmoins, les métaphores visuelles fonctionnent à merveille et les clins d’oeil au septième art (astucieuse utilisation du Voyage dans la lune de Méliès) finissent de nous convaincre ! Et quand le climax oppose l’inventivité des protagonistes à l’obsession d’un antagoniste pour la mignonnitude, nos coeurs s’emballent.

Drôle, imaginatif, graphiquement soigné, le long-métrage de Wojtek Wawszczyk est une belle découverte capable d’enchanter toute la famille avec ses différents niveaux de lecture et son point de vue méta sur la création. Diplodocus affirme haut et fort que la singularité règnera toujours sur les effets de mode étouffants !

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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