[Critique DVD] La Tête en l’Air.

La tête en l'air - DVD

Film primé pour l’édition 2012 du festival d’Annecy, La Tête en l’Air (Arrugas en VO) est un film d’animation espagnol qui émeut, pose de nombreuses questions et surtout, s’adresse à tous sur un sujet malheureusement commun à chacun d’entre nous : la fin de vie. Avec sobriété mais avant tout efficacité, Ignacio Ferreras adapte à merveille une bande-dessinée mondialement diffusée. Injustement boudé lors de sa sortie en salles en France (mais le sujet du film restreint considérablement le public, et pourtant !), il est temps d’honorer ce film comme il le mérite !

Quelques minutes seulement après le début du film, le personnage principal, vieil homme atteint de la maladie d’Alzheimer, est envoyé en maison de retraite par ses enfants, et nous avec. Une heure trente durant, La Tête en l’Air nous plonge dans le quotidien teinté d’humour noir de ces personnes âgées que nous serons tous amenés à devenir un jour ou l’autre, d’ou l’universalité d’un film qui s’adresse pourtant à un public averti, manquant de scènes d’actions pour plaire aux plus jeunes ou de personnages aussi édulcorés que ce que nous proposent les studios américains. Ici, l’humour se fait à travers la douleur, les craintes et les espoirs futiles de ces êtres en perdition, déclenchant un rire toujours réservé puisqu’il s’agit de personnages fous malgré eux, à l’image de cette vieille dame convaincue qu’elle est poursuivie par des êtres venus d’ailleurs, à l’origine de plusieurs scènes douces amères qui font rire sur le moment, mais que l’on regrette l’instant d’après.

Portée par une animation modeste, convenant parfaitement à son propos, l’intrigue développe en parallèle un humanisme et un réalisme sincère qui provoquent à plusieurs reprises des scènes poignantes faites de silence et de regards désemparés. Face à sa déchéance mentale, Emilio tente de se convaincre que tout ira bien et s’enlise inextricablement dans sa maladie aux côtés d’un ami quant à lui lucide, accompagnant tous ces amis dans leur fin de vie. Pourtant, si le film convainc de bout en bout, il n’en est pas moins l’adaptation très fidèle d’un matériau littéraire qu’il ne dépasse jamais réellement. En tant que tel, le film est une vraie pépite du cinéma d’animation pour l’approche de la vieillesse qu’il inaugure mais il est surtout une simple transcription d’un livre déjà dessiné avec la même esthétique graphique. Le long-métrage est peut-être intéressant en ce sens qu’il accentue l’intention de l’auteur de la bande dessinée, dans cette quête de la raison au cœur d’un univers depuis longtemps déraisonné, ou les personnes se créent des mondes imaginaires dans lesquels ils passent les derniers instants de leur vie avec sérénité. Gardant le silence, le film s’éteint avec pessimisme, mais après tout, avec réalisme. Long-métrage essentiel, La Tête en l’Air est une vraie réussite qu’il est impératif de découvrir pour faire honneur à sa sincérité.

Image note-8


Bac Video nous propose toujours de belles éditions vidéos et force est de constater qu’une fois de plus, la réussite est au rendez-vous ! Le transfert vidéo est soigné avec des couleurs parfaitement retranscrites, même si la réalisation privilégie des teintes peu colorées, inhérentes au travail sur le deuil et la maladie. Faute d’un public réellement large, nous ne pouvions compter sur une édition haute-définition du film, mais l’édition DVD supporte très bien l’upscaling et resplendit aussi sur un écran HD sans souffrir de défauts majeurs. En somme, une bien belle image DVD pour un bien beau film made in Spain.

Son note-8


Public adulte oblige, point de version française à l’horizon pour la sortie vidéo de La Tête en l’Air. L’éditeur Bac Vidéo fait ainsi le choix de respecter au millimètre près la réalisation d’Ignacio Ferreras en conservant la version espagnole d’origine sous-titrée dans la langue de Molière pour l’occasion. Grâce à une piste Dolby Digital 5.1, l’ambiance du film est intacte, alliant à merveille séquences de folies douces et instants plus graves ou le silence est roi. Point d’explosions sonores ici-bas, mais un univers mélodique aussi entêtant qu’émouvant.

Interactivité note-3


Encore une édition vidéo bien maigre dans l’océan des sorties animées. Pour un film qui se destine avant tout aux plus grands, il aurait été sage d’insérer ne serait-ce qu’une featurette sur la création du film, ou un commentaire du film par le réalisateur. Toutefois, la sortie du film en vidéo est en soi un évènement tant le long-métrage en question est particulier et aura du mal à trouver un public cible assez flou dans les bacs. En revanche, amateurs de belles éditions, sachez qu’une édition spéciale Fnac est disponible en coffret depuis Juin dernier avec la BD originale insérée, de quoi comparer minutieusement ces deux versants d’une même intention culturelle.


En conclusion, La Tête en l’Air est un film essentiel non pas parce qu’il révolutionne le cinéma d’animation (ce qui n’est jamais le cas, avec une esthétique très normative) mais bel et bien parce qu’il franchit les frontières du divertissement pour nous toucher au plus profond. Difficilement accessible lors de sa sortie en salles, nous ne pouvons que vous conseiller de rapidement vous procurer votre édition vidéo du film pour le découvrir, ou le redécouvrir avec plaisir !

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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