(Critique) Léo, la fabuleuse histoire de Léonard de Vinci de Jim Capobianco & Pierre-Luc Granjon

Notre patience est enfin récompensée avec l’arrivée sur grand écran de l’inventeur italien Léonard de Vinci ! Après une présentation en compétition au festival d’animation d’Annecy en juin 2023, le long-métrage s’apprête à conquérir les cœurs du public. Mêlant plusieurs techniques d’animation pour honorer le génie créatif de l’homme au centre du projet filmique, Léo, la fabuleuse histoire de Léonard de Vinci de Jim Capobianco et Pierre-Luc Granjon rejoint les belles surprises animées de cette année 2024 qui commence décidément très fort. L’équipe créative nous propose un long-métrage aussi divertissant que réflexif, pavant le chemin biographique de focalisations sur les croyances aveuglantes et les quêtes existentielles d’un artiste visionnaire. Passionnant !

Résumé : Bienvenue dans la Renaissance ! Une époque où artistes, savants, rois et reines inventent un monde nouveau. Parmi eux, un curieux personnage passe ses journées à dessiner d’étranges machines et à explorer les idées les plus folles. Observer la lune, voler comme un oiseau, découvrir les secrets de la médecine… il rêve de changer le monde. Embarquez pour un voyage avec le plus grand des génies, Léonard de Vinci !

Copyright 2023 Curiosity Studio Limited

Tout commence en Italie, là où Léonard de Vinci se heurte aux exigences ecclésiastiques alors qu’il pratique la dissection sur des corps humains pour en apprendre plus sur les mécanismes de notre anatomie. Deux conceptions du monde s’opposent, et le film en fera son fil rouge thématique. Le pape, engoncé dans son trône, souhaiterait que l’humanité arrête d’apprendre et de découvrir, l’ignorance permettant ainsi la survie des croyances. En phase avec les idées de la Renaissance, la pensée de l’inventeur immortalisé par le succès de La Joconde fait de l’invention et la connaissance ses priorités et son moteur existentiel. Sans jamais remettre en cause les croyances religieuses, Léonardo est en quête d’une foi renseignée et non aveugle en se questionnant sur l’âme si mystérieuse qui nous anime. La richesse thématique du film va de pair avec ses élans graphiques.

Plurielles, les esthétiques du long-métrage répondent à l’esprit décloisonné du génie qu’elles mettent en scène. Majoritairement conté en stop-motion, Léo voit aussi l’animation 2D envahir l’écran à de nombreuses occasions, pour animer les rêves du maître inventeur et de Marguerite de Navarre (qui partage l’imagination foisonnante de l’expatrié). La réalisation épouse pleinement le point de vue expérimental et créatif de l’artiste en privilégiant une perpétuelle recherche graphique délaissant l’exigence vraisemblable des productions hollywoodiennes. Le caractère artisanal du film d’animation est pleinement assumé et nous émerveille : les décors et les figurants sont autant de figures et de possibilités qui enrichissent l’histoire et se déplacent au rythme des inventions. Le générique final finit d’enfoncer le clou en jouant un making-of du film dévoilant quelques pans des coulisses de création du long-métrage.

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Mais Léo est bien plus que ces expérimentations graphiques et ces questionnements réflexifs sur le monde puisqu’il offre aussi un beau divertissement reposant sur des ressorts comiques traditionnels et des personnages joliment esquissés à même de toucher un jeune public. Les seconds rôles servent le rire (à l’image d’un couple de serviteurs s’improvisant fossoyeurs), les séquences musicales auréolent l’histoire d’accents plus universels (à l’image de la cité idéale, liant l’Homme et la nature, chantée par Juliette Armanet qui donne de sa voix à Marguerite de Navarre) et la voix d’André Dussollier dissémine des messages plein de sagesse dans la peau de Léonard de Vinci. On ne peut aussi parler du film sans aborder le character design résolument suranné des personnages qui nous ramène aux productions télévisées des années 90. Peu expressifs, les visages émaciés de ces êtres historiques aux petits yeux noirs évoquent en nous des souvenirs chaleureux… Tout en enlisant parfois le film dans un apparat faussement enfantin qui risquerait d’éloigner une partie du public.

En questionnant les pouvoirs de l’invention et les forces obscures de l’ignorance, Léo de Jim Capobianco et Pierre-Luc Granjon est un récit riche et évocateur. En mêlant une légèreté de ton propre à toucher un jeune public et des réflexions profondes sur l’art du maître de la Renaissance que l’on ne présente plus, le film réussit tout ce qu’il entreprend. Tandis que les Hommes veulent des statues (pour s’enliser?), l’inventeur crée le mouvement pour enrichir ses connaissances et aller de l’avant…

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En salles le 31 janvier via KMBO.

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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