(Cinéma) Les Bouchetrous, de David Silverman

Nouvelle curiosité animée tout droit venue de Chine, Les Bouchetrous (plus sobrement et thématiquement intitulé Extinct lors de sa sortie internationale) réalisé par David Silverman est une proposition loufoque qui mérite qu’on lui accorde de l’attention lors de sa sortie le 26 mai prochain sur nos écrans français. Avec fougue et originalité, l’espèce en voie de disparition propose une aventure délirante qui saura convaincre le jeune public tout en faisant sourire leurs accompagnateurs. Une belle séance en perspective qui ne marquera pas l’Histoire du cinéma d’animation mais qui saura vous faire passer un bon moment ! 

Résumé : Vous n’avez jamais entendu parler des Bouchetrous ? Pourtant, ces étonnantes créatures, aussi maladroites que joueuses, coulent des jours paisibles sur une île perdue depuis des millions d’années. Jusqu’au jour où d’étranges bestioles débarquent dans leur île : des humains ! Quittant leur île, les Bouchetrous partent à l’aventure et déboulent dans d’immenses villes, découvrant cette curieuse civilisation humaine, et ses animaux de compagnie. Les Bouchetrous se laisseront-ils apprivoiser par ces drôles d’humains ?

(c) SND Films

Cela commence comme le déjà délirant Angry Birds des studios Sony Pictures Animation sur une île peuplée d’êtres imaginaires (des mammifères au ventre troué) avant de prendre le chemin d’un Mr.Peabody & Sherman (un film DreamWorks Animation) temporel moins pédagogique : l’œuvre distribuée par SND Films a le mérite de surprendre ses spectateurs de tous âges avec un récit délivrant son lot de séquences surprenantes. Si l’ambition relative des Bouchetrous est assumée (et le budget est clairement moins important que sur les grosses productions américaines), elle peut se targuer d’être une véritable source d’amusement et de détente tout en sachant employer à bon escient la morphologie ô combien surprenante de ces protagonistes troués. La mise en scène s’amuse fréquemment (et c’est ce que l’on était en droit d’attendre) de ces êtres imaginaires même si l’on image que l’équipe créative aurait pu aller encore plus loin !

Ne nous y trompons pas, cette production chinoise n’a pas l’objectif de redessiner les contours poétiques et symboliques d’un cinéma d’animation plus exigeant mais elle sait composer une belle histoire d’amitié sur fond d’exclusion sociale : un propos maintes fois essuyé par les films pour enfants qui demeure important, d’autant plus qu’il se colore d’une réflexion (peu poussée) sur l’extinction des espèces (d’où la présence d’un dodo ou bien d’un tricératops au cours du récit, mais également de Charles Darwin !) Les Bouchetrous fait aussi mouche sur le plan de l’humour avec une légèreté dissonante de ton qui plaira assurément aux enfants sans pour autant ennuyer leurs parents (la scène des donuts est particulièrement drôle), d’autant plus que le film aime à disséminer des références seulement lisibles par les plus grands des spectateurs sans détourner la lecture des plus jeunes (le petit clin d’œil à la pomme de Steve Jobs est une belle manière de parler aux adultes sans perdre les enfants en chemin, tout comme l’hommage à La Mort aux trousses d’Hitchcock se glisse au détour d’une scène dynamique avec intelligence sans perdre de vue l’aventure des protagonistes). 

(c) SND Films

Evidemment, tout n’est pas réussi dans cette production, loin de là, mais le message bienveillant et enthousiaste porté par les deux personnages principaux n’est jamais perdu de vue. Graphiquement, l’animation est de bonne facture et sait proposer de beaux décors soignés même si elle reste perfectible (à titre d’exemples, les compagnons de route des Bouchetrous sont modélisés assez grossièrement, à l’image du bichon Clarance). Le trop-plein est parfois l’ennemi du bien et le déluge de couleurs et de séquences rythmées freine parfois l’efficacité du film, à l’image de la dimension absurde qui s’intensifie au fil du récit. A cause d’un dernier acte un brin longuet, l’intérêt pour l’histoire se fragilise et les poncifs du genre s’accumulent (qu’il s’agisse du twist sur l’identité de l’antagoniste ou du retour tonitruant de personnages rencontrés auparavant pour un sauvetage traditionnellement ancré dans ce genre de production). 

La campagne promotionnelle avait de quoi nous effrayer, entre le titre français du film et l’existence de personnages à la forme… douteuse ! Mais preuve est de constater que Les Bouchetrous ont de quoi attirer un large public en cette célébration de réouverture des salles obscures ! Les propositions animées se bousculent mais vous devriez être agréablement surpris si vous franchissez la porte de ce film à l’efficacité inattendue ! 

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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