(Critique) Mission Yéti de Pierre Gréco & Nancy Florence Savard

L’abominable homme des neiges est à la mode chez les studios d’animation ! Nombreux sont ceux qui s’essayent à la réinvention de cette légende, qu’il s’agisse du gentil Everest dans l’Abominable des studios DreamWorks Animation ou de la compagnie endiablée de Yéti & cie de Warner Animation. On pourrait penser que la Mission Yéti de Pierre Gréco et Nancy Florence Savard est une forme d’opportunisme mais que nenni : si le distributeur Eurozoom sort enfin le film en salles sur notre sol français, le long-métrage est déjà sorti depuis début 2018 dans de nombreux marchés dont sa terre natale, le Québec. Au-delà de l’attente improbable du film sur notre territoire, cette production souffre malheureusement de la comparaison avec les autres films estampillés yétis, Mission Yéti ne dépassant jamais vraiment le stade du simple divertissement.

Synopsis : Québec, 1956. Les destins de Nelly Maloye, détective privée débutante et Simon Picard, assistant de recherche en sciences, se croisent accidentellement. Soutenus par un mécène ambitieux, Maloye, intuitive et chaotique, et Picard, méthodique et obsessionnel, se lancent dans une aventure visant a prouver l’existence du Yéti. Pour y arriver, Simon compte sur le journal d’un explorateur pour les mener au repaire de la créature mythique. Accompagnés de Tensing, un jeune guide Sherpa, et de Jasmin, un mainate bavard, ils sont confrontés à de nombreux dangers au cœur de l’Himalaya.

(c) 10e Avenue Production

L’heure de gloire du studio 10e Avenue Production n’est pas encore arrivée. La Légende de Sarila était loin d’être mémorable mais fort heureusement, ce nouveau cru québécois corrige quelque peu le tir en proposant une aventure agréable à défaut d’être incroyable. Même si l’animation reste très en retard (surtout lorsque l’on découvre le film trois ans après sa production…), les décors sont joliment créés. Ils donnent d’ailleurs presque l’impression d’avoir été peints (sans parler d’impressionnisme, les « coups » d’animation sont visibles sur les décors), ils contrastent avec l’approximation angulaire des personnages et les couleurs globalement ternes du métrage (qu’il s’agisse de la ville québecoise ou des monts enneigés de l’Himalaya).

Du côté du scénario, tout est cousu de fil blanc mais les personnages hauts en couleur permettent de ne pas s’ennuyer au fil des séquences. Parmi eux, le petit oiseau Jasmin vole la vedette et fera à coup sûr rire les plus jeunes des spectateurs (même s’il n’est pas sans rappeler l’oiseau de la franchise espagnole Ted l’explorateur). Point d’originalité ici-bas et la relation entre les deux personnages principaux donne l’impression d’avoir été vue mille fois (l’attirance conflictuelle) même si elle constitue l’attrait principal des plus grands spectateurs qui se riront de leur relation. Malheureusement, des personnages dynamiques et intéressants ne permettent pas de faire oublier l’intrigue vue et revue du film, d’autant plus qu’elle impose aux yétis un rôle quelque peu ridicule. Si vous êtes un tant soit peu intéressés par les films animés de la dernière décennie, aucun ressort narratif vous surprendra, y compris les motivations du « méchant » de service.

(c) 10e Avenue Production

A quelques exceptions près, le film reste trop balisé pour convaincre un public expérimenté (même si la première partie du métrage rend quelque part hommage aux films d’espionnage). Les plus jeunes apprécieront les nombreux fils narratifs du film tandis que les plus grands se questionneront sur l’ambition relative du métrage, d’autant plus que les ressorts narratifs qui mènent au dénouement ont déjà été vus de nombreuses fois. Ce n’est pas le passage par une séquence joliment parodique (« Yetiland ») qui permettra de se réjouir d’autant plus que l’exploitation du yéti par les êtres humains qui y est présentée est une redite. En choisissant la figure mystérieuse du yéti, les films n’ont de cesse de questionner la nécessité d’exposer des espèces en danger. Le propos est essentiel mais il est sans cesse rabâché sans une once d’originalité (l’ombre de Là-Haut des studios Pixar plane sur le film).

Au final, Mission Yéti ne restera pas dans les annales. Honnête aventure dans une contrée reculée, le film de 10e Avenue Production n’apporte rien de nouveau au paysage animé. Si les plus jeunes passeront probablement un bon moment, les plus grands bâilleront gentiment en regrettant de ne pas avoir privilégié un film concurrent plus ambitieux. Quitte à regarder un film sur l’abominable homme des neiges, autant se tourner vers les productions concurrentes, d’autant plus que narrativement, Mission Yéti n’apporte rien de nouveau.

Critique rédigée par Nathan

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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