(Critique) Spycies de Guillaume Ivernel

Curieux projet franco-chinois, le nouveau long-métrage d’animation de Guillaume Ivernel (co-réalisateur sur l’incroyable Chasseurs de dragons) sort enfin dans les salles obscures françaises grâce au distributeur Eurozoom après de multiples reports (le film est déjà sorti depuis le mois de janvier en Chine). Parée d’une animation 3D de haute volée et d’un scénario à mi-chemin entre le film d’espionnage et la comédie loufoque, la production ravira assurément le public ciblé en n’oubliant pas d’abreuver les plus grands de clins d’oeil savoureux. Sans emporter complètement l’adhésion, l’aventure est au rendez-vous ! 

Résumé : Un duo fantaisiste d’agents secrets, composé de l’exigeant mais rebelle Vladimir et d’Hector le geek vaurien, tient le sort du monde entre ses pattes : suite au vol de la radiésite, matériau classé top secret sur une plateforme offshore, le tandem devra sauver la planète d’une menace climatique au cours de son enquête, menée tambour battant ! 

(c) IQYI Pictures

Vladimir, archétype de l’espion imbu de lui-même aux méthodes cataclysmiques pour autrui, est évidemment contraint de collaborer avec un collègue moins expérimenté que lui pour contrecarrer un plan obscur menaçant les habitants d’une ville aux habitants-animaux anthropomorphisés. Dès la scène d’introduction, les qualités et les défauts du film sautent aux yeux. Malgré une animation globalement soignée et des décors travaillés (à l’image des étages inférieurs de l’hôpital, coeur du récit), la modélisation de certains personnages laisse à désirer et l’action manque de lisibilité. Auréolée d’un rythme frénétique, la course-poursuite ouvrant le long-métrage est difficile à suivre à cause de changements de plans incessants et de split-screens répétitifs. Assurément dynamique, le film en oublie parfois de prendre le temps alors qu’il peut se révéler fascinant lorsqu’il laisse la place aux émotions subtiles. L’une des plus belles séquences est probablement celle de la vie « répétitive » du chat espion lorsqu’il est exilé sur une base nautique au milieu de nulle part, d’autant plus que la partition musicale l’accompagnant est charmante.

De plus, le film ne manque pas de scènes trépidantes et de rebondissements narratifs judicieux pour plaire à un large public. Porté par une foule de personnages principaux ou secondaires, Spycies ne se repose jamais sur ses lauriers et les répliques pleines de second degré font mouche auprès des plus grands (difficile de ne pas sourire lorsqu’une poule cinglée, s’imaginant espionne de haut vol, affirme « J’aime pondre » pour rendre hommage au célèbre espion anglais). Les plus jeunes riront beaucoup avec le rat Hector (fort irritant pour les plus de dix ans) tandis que leurs accompagnateurs apprécieront les clins d’oeil bienvenus (vous avez dit VHS?) Tout comme le film essaye de jongler entre plusieurs publics, il louvoie entre les genres cinématographiques. Comédie, film d’espionnage, fable écologique : tout cela à la fois, l’aventure animale est parfois comparée à Zootopie des studios Disney

(c) IQYI Pictures

Spycies a beau être une enquête au cœur d’une cité anthropomorphique, les similitudes s’arrêtent là. A cause de personnages trop nombreux, le film de Guillaume Ivernel a du mal à bien caractériser ses protagonistes là où le film de la firme aux grandes oreilles s’attardait principalement sur son duo principal. Difficile de s’attacher à des personnages entièrement tournés vers la comédie ou l’utilitarisme narratif (à l’image du lapin Chloé). Dommage également que le climax final soit si désordonné (en plus d’accentuer les limites budgétaires de la production avec l’armada d’abeilles semblables) et que la résolution via un deus ex machina improbable viennent ternir une belle aventure aux mystères conséquents. A trop vouloir en faire, le film se perd et se voit contraint d’accumuler les explicitations en fin de course pour révéler les enjeux du récit.

Entre une réalisation un brin épileptique et un scénario (trop) riche, Spycies convainc à moitié. Doté d’un plus grand budget, le film aurait pu être encore plus beau mais le scénario aurait également mérité d’être plus resserré autour des personnages principaux pour leur permettre de gagner en épaisseur psychologique. En revanche, l’originalité est de mise tant sur le plan graphique qu’au niveau du scénario (et c’est important à souligner, à l’heure où les productions animées ont du mal à surprendre).

En somme, le nouveau film de Guillaume Ivernel est une belle proposition de comédie d’espionnage pour enfants. Accusant tout de même quelques obstacles graphiques et narratifs, le long-métrage franco-chinois peut compter sur une intrigue trépidante et un propos écologique essentiel pour plaire à toute la famille. Grand-huit imparfaitement déluré !

Critique rédigée par Nathan

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

Laisser une réponse:

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Site Footer