(Critique) Les Trolls 2 : Tournée mondiale de Walt Dohrn

Quelle carrière troublée pour le second opus des jouets chantants de DreamWorks Animation. Alors que le film devait envahir les salles du monde entier au début du mois d’avril, la pandémie mondiale en a décidé autrement. Profitant exclusivement, du moins pour l’instant, d’une sortie en VOD sur les marchés internationaux, le tour du monde des Trolls se fait finalement à domicile. Toutefois, le film aura droit à une sortie dans les salles obscures en France dès le 14 octobre prochain (mais également en avant-première dans les semaines à venir). Après une première aventure décomplexée et ultra-colorée qui comprenait son lot de défauts (les antagonistes, plus ridicules qu’autre chose, ce n’est donc pas une surprise qu’ils aient seulement droit à une scène post-générique cette fois-ci), cette seconde histoire longue (rappelons que la franchise a un succès fou sur Netflix avec sa série comptant déjà huit saisons!) déborde de bons sentiments au détriment d’une intrigue solidement construite. Une petite déception qui aura, toutefois, le mérite de nous changer les idées en ces heures sombres pour l’Humanité. 

Résumé : Reine Barb, membre de la royauté hard-rock, aidée de son père Roi Thrash, veut détruire tous les autres genres de musique pour laisser le rock régner en maître. Le destin du monde en jeu, Poppy et Branch, accompagnés de leurs amis – Biggie, Chenille, Satin, Cooper  et Guy Diamond – partent visiter tous les autres territoires pour unifier les Trolls contre Barb, qui cherche à tous les reléguer au second-plan.

(c) DreamWorks Animation

Malheureusement, les bandes-annonces le laissaient présager : le second opus des trolls optimistes a fait le choix du foisonnement créatif au détriment de l’attention narrative. Avec ses dizaines de nouveaux personnages et ses innombrables contrées musicales, le scénario de ce tour du monde musical est boursouflé. Sur le papier, le déploiement de nombreux genres musicaux avait le mérite de s’éloigner de la prédominance pop du premier opus tout en offrant un joli message sur la diversité. A l’écran, difficile d’imposer tous ces univers mélodiques en seulement quatre-vingt minutes. Barb, l’antagoniste rockeuse, en fait également les frais tant ses motivations se réduisent à peau de chagrin au fur et à mesure que le générique de fin se rapproche. 

Pire encore, le long-métrage perd du temps en répétant inlassablement les rares éléments narratifs à l’origine de la quête filmique. Les personnages n’ont de cesse alors de répéter aux spectateurs d’où proviennent les « cordes » musicales ayant déclenché les conflits entre les tribus musicales. Et alors que l’intrigue pourrait prendre un chemin moins balisé et emprunter des voies plus risquées lorsque le père de l’héroïne se révèle plus complexe qu’il n’y paraît, le film laisse rapidement de côté cette promesse. La production doit, en plus, s’embarrasser d’un final en-deçà des promesses ayant précédé prodiguant une leçon d’harmonie trop convenue qui tranche avec son contenu. Tous les genres musicaux assument leurs différences sur une chanson « pop », et ce ne sont pas les petits couplets adaptés aux différents styles qui y changeront quelque chose… 

(c) DreamWorks Animation

Heureusement, le savoir-faire technique des équipes créatives des studios DreamWorks Animation réserve de beaux décors et de belles trouvailles sur le plan des textures (d’ailleurs, l’aspect profondément tactile des décors les rend fort originaux) à condition d’oublier le character design qui laisse parfois à désirer (les « monstres » peuplant le monde des trolls sont bien peu inspirés…) Evidemment, le rythme ne faiblit jamais et risque d’emporter avec lui les jeunes spectateurs mais cela se fait au détriment de la caractérisation des personnages. Réduits à leurs styles musicaux, les personnages servent les séquences sans jamais exister : et le constat est sans appel pour les « chasseurs de prime » poursuivant Poppy et Branche. Métabolisant la K-Pop ou le reggaeton, il s’agit également de leur seule raison d’être. Même les personnages d’hier peinent à justifier leur retour sur grand écran : Poppy et Branche ont du mal à comprendre qu’ils sont différents, Cooper s’engage dans une quête existentielle trop brève, et les autres font de la figuration. 

Au final, Trolls World Tour est une aventure frénétique qui peine pourtant à combler les fans de la première heure. A cause d’un scénario aussi maigre que les cordes instrumentales à l’origine du conflit entre les tribus trolls, le second opus de la saga DreamWorks Animation a du mal à légitimer son existence. Difficile d’imaginer qu’il pourra se révéler plus intéressant dans quelques années, lorsque les modes musicales seront passées… Bien que le divertissement soit au rendez-vous, l’ensemble peine à marquer les esprits !

Critique rédigée par Nathan

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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