(Sortie vidéo) Ma famille afghane de Michaela Pavlatova

Et dire que j’ai loupé ce très beau film d’animation lors de sa sortie en salles… Ma famille afghane est désormais disponible en DVD, Blu-ray et VOD pour permettre à toute la famille de profiter d’une proposition animée sans compromis qui donne à voir les contradictions tragiques d’un pays étouffé par ses traditions. Il n’a pas volé son prix du jury à Annecy obtenu en 2021 et peut se targuer de s’adresser à toute la famille en mêlant l’intime à la fable sociale qu’il tisse.

Résumé : Kaboul, Afghanistan, 2001. Herra est une jeune femme d’origine tchèque qui, par amour, décide de tout quitter pour suivre celui qui deviendra son mari, Nazir. Elle devient alors la témoin et l’actrice des bouleversements que sa nouvelle famille afghane vit au quotidien. En prêtant son regard de femme européenne, sur fond de différences culturelles et générationnelles, elle voit, dans le même temps son quotidien ébranlé par l’arrivée de Maad, un orphelin peu ordinaire qui deviendra son fils…

(c) NEGATIV_S.R.O–SACREBLEU_PRODUCTIONS–BFILM_S.R.O.–ČESKÁ_TELEVIZE–ALKAY_ANIMATION_PRAGUE_S.R.O.–GAOSHAN_PICTURES–INNERVISION_2021

En s’emparant du livre autobiographique Freshta de Petra Prochazkova, Michaela Pavlatova entreprend de dépeindre par l’animation un pays, l’Afghanistan, pour en exacerber les travers sans perdre de vue l’émotion. Sous les traits d’une animation 2D oscillant entre réalisme et onirisme, la réalisatrice et son équipe d’animateurs content le parcours de l’autrice, de sa jeunesse à Prague jusqu’à son mariage en terres afghanes. Le ressort est imparable : le surgissement d’une étrangère dans une somme d’us et coutumes ancrées était déjà usité par Montesquieu en son temps et permet aux artistes de porter un regard « neuf » sur une société qu’ils découvrent. La protagoniste se confronte ainsi aux pratiques traditionnelles du pays (dont le fait que la jeune mariée doive être vierge), pays qui voit l’Occident par le prisme de films sulfureux (la famille dans laquelle elle atterrit possède une copie du film Basic Instinct avec Sharon Stone).

Ma famille afghane a tout un pan critique qui donne à voir les rapports entre les Hommes en Afghanistan, avant le retour des talibans. Le scénario aborde frontalement le rapport contradictoire des hommes à leurs épouses : amoureux, ils en viennent pourtant à la violence par esprit de possession : l’époux de l’héroïne oscille ainsi entre les rôles d’adjuvant et d’opposant au fil du récit. Mais le propos filmique ne se restreint pas à la condition féminine puisque la dernière partie du métrage montre aussi que les garçons subissent les traditions (ancestrales) du pays lorsqu’ils sont retirés du foyer pour être éduqués. C’est pour contrecarrer ces réalités difficiles que le film s’autorise fréquemment des écarts rêveurs dans la tête de l’héroïne qui s’imagine plus libre…

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Tout ce pan dénonciateur, entremêlé d’accents biographiques, s’entrechoque avec une dimension plus émouvante lorsque surgit un jeune orphelin, permettant ainsi au couple principal de vivre la « famille » dont ils rêvaient. Ils adoptent Muhammad, un jeune garçon au physique différent (d’ailleurs, le titre original du film le célèbre « My sunny Maad », Mon lumineux Maad), qui tisse une relation des plus touchantes avec sa nouvelle mère. Le spectateur ne peut s’empêcher de ressentir une vague de compassion envers ce jeune homme lorsqu’il évoque sa petite enfance auprès de sa mère biologique et de son beau-père intolérant. C’est ainsi que le film déploie un versant plus pathétique avant de plonger dans la tragédie… Sans jamais se départir d’une réalité difficile, Ma famille afghane émeut autant qu’il questionne.

Ma famille afghane est un film vibrant sur les contradictions d’un pays en perdition. Rythmé par des élans tragiques, le récit de vie dont s’entiche Michaela Pavlatova est un crève-coeur déployé par une mise en scène inventive. A rattraper au plus vite en vidéo !

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EDITION VIDEO

L’éditeur vidéo nous a gentiment fait parvenir l’édition haute-définition du film qui comprend quelques bonus pour approfondir le plaisir ressenti durant le visionnage. Elle se compose d’un simple boîtier amaray blanc qui sied bien aux teintes claires de l’affiche du film ornant la jaquette.

Comme de coutume, le disque a été visionné sur une TV LG Oled et une installation 5.1.

Image & son : une image haute-définition de qualité qui honore l’esthétique entre ombres et lumières du film : les traits prononcés des personnages (caractéristiques du style de Michaela Pavlatova) sont profonds et la dernière partie du métrage, beaucoup plus sombre que le quotidien ensoleillé de la famille afghane, est fidèlement retranscrite. Il s’agit là d’une image de grande qualité pour profiter du film et de son esthétique affirmée.

Du côté du son, on retrouve deux pistes traditionnelles en DTS-HD Master Audio 5.1 ou 2.0, en VO sous-titrées : les voix sont nettes et les ambiances sonores adaptées. La lourdeur du dernier tiers est oppressante et les effets sonores surprennent quand cela est nécessaire (au détour d’une séquence, l’explosion d’une bombe surprend tout le salon !) La pluie enrobe le désespoir et la résilience des deux personnages principaux devant l’aéroport dans une dernière partie filmique déchirante…

Du côté des bonus, le programme est tout aussi soigné car vous retrouverez trois vidéos :

  • Présentation du film par la réalisatrice (4min) : rapide retour sur la carrière de l’artiste et sur l’adaptation du livre Freshta. Elle aborde également l’apport de l’animation dans l’adaptation du livre mais aussi la dimension collaborative du projet réalisé à travers le monde, de la Réunion à Prague.
  • Court-métrage « Tram » de Michaeal Pavlatova (8 min) : court que j’avais découvert lors d’une diffusion nocturne à Annecy et pour lequel j’ai donc un attachement particulier. On y découvre le parcours nocturne d’une conductrice de tram aux sons d’une musique rythmée et d’iconographies sexuelles assumées. Une interprétation très lubrique (et libre!) d’un métier par le surréalisme de la représentation animée. Un OVNI cinématographique comme on aimerait en voir plus souvent !
  • Bande-annonce du film

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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