(Sortie vidéo) Tom & Jerry de Tim Story

Les nouvelles victimes de l’hybridation live-animation sont donc les ennemis imaginés par Hanna et Barbera en 1940 : Tom & Jerry. On le sait, ces films mêlant fantasmagorie et réalisme sont une manne financière parce qu’ils permettent de ne pas créer un film entièrement animé, tout en rameutant des têtes d’affiches intéressantes en prises de vue réelles mais cela rime rarement avec réussite artistique. Tom & Jerry (2021) est malheureusement de ceux qui auraient mérité un meilleur traitement : en déployant un scénario artificiel et paresseux pour cadrer le jeu du chat et de la souris des têtes d’affiche animées, l’équipe créative peine à remettre au goût du jour le binôme excentrique.

Résumé : Lorsque Jerry s’installe dans le plus bel hôtel de New York la veille du mariage du siècle, Kayla, la wedding planneuse, n’a d’autre choix que d’embaucher Tom pour se débarrasser de l’intrus. Mais la course-poursuite qui s’engage entre le chat et la souris risque de réduire à néant la carrière de la jeune femme, gâcher la fête et détruire l’hôtel ! Pourtant, quand un employé dévoré d’ambition commence à s’en prendre à Tom, Jerry et la wedding planneuse, c’est un bien plus grand danger qui les menace…

(c) Warner Bros Animation

Tandis que Jerry s’installe à New York dans un petit espace qu’il redécore à sa façon, Tom, de son côté, cherche, comme à son habitude, à s’extirper d’une condition misérable. C’est alors qu’il fait la rencontre de Kayla, interprétée par une Chloé Grace Moretz qui surjoue quelque peu. Un duel ne suffisant pas (celui du chat et de la souris), le scénario double son propos en opposant la jeune femme à l’un des employés de l’hôtel, incarné par Michael Pena qui n’en finit pas de participer à des projets douteux. Ces personnages humains peinent à toucher le spectateur à cause d’une écriture fainéante qui ne les met qu’au service du récit au lieu de leur offrir une psychologie essentielle. A l’image du film dans son ensemble, ils manquent d’âme et enlisent les spectateurs dans une découverte passive du récit.

La singularité fragilisée du film accuse la présence de morceaux R’n’B-Hip-hop souvent hors de propos qui ancrent le film dans une époque dont il sera bientôt désolidarisé : doit-on parler de la scène au cours de laquelle le chat entonne un rythme auto-tuné, auréolé d’une focale longue réduisant la palette artistique à néant ? Assourdissante, la partition musicale ne peut s’empêcher d’appuyer les séquences d’action et les gags pour contraindre le spectateur au rythme. Tom & Jerry (2021) est l’incarnation du film too-much qui ne lésine pas sur les moyens graphiques et narratifs pour plaire immédiatement à son jeune public. Quelques fulgurances cartoonesques arrachent un sourire, notamment grâce au personnage de Jerry, à l’image d’un feu de camp qu’il établit dans la gueule de Tom en s’accompagnant d’un instrumental typé Far West : mais cela est finalement trop rare.

(c) Warner Bros Animation

Le bât blesse aussi sur le plan graphique : en faisant le choix d’incrustations 3D au rendu 2D, les animateurs témoignent d’une envie (bienvenue) de rendre hommage à l’origine graphique du duo américain mais force est de constater que le résultat est modérément viable. Les personnages en 2D peinent à s’intégrer avec efficacité aux côtés d’acteurs en chair et en os, le point de non retour étant atteint lors du mariage final débordant de personnages réels et animés. Dans une débauche rythmique et graphique, le récit s’achève, lessivant finalement ses spectateurs.

Vous l’aurez compris, Tom & Jerry (2021) est une production aux défauts saillants même si la lutte éternelle entre les deux personnages demeure réjouissante sur certaines séquences. S’il risque de plaire à un jeune public épris de gags visuels et de comiques répétitifs ancrés dans la mythologie du duo iconique, le scénario se révèle trop paresseux pour contenter une assistance plus large, d’autant plus que le récit ne peut compter sur une nostalgie fébrile pour nous satisfaire… Un cruel goût d’inachevé plane au-dessus de ce retour ayant pourtant connu un petit succès (relatif à cause du COVID) en salles.

EDITION VIDEO

L’éditeur Warner Home Média nous a fait parvenir l’édition haute-définition du film (dans un boîtier amaray). Mais le film est également disponible en DVD, le support restant (malheureusement), le premier acteur du marché physique en France.

Comme de coutume, nous avons visionné le film sur un écran OLED 4K. 

(c) Warner Bros Animation

Image & Son : une très belle qualité d’image resplendissant de couleurs et de noirs profonds. L’absence d’édition 4K ne se fait donc pas ressentir et l’ensemble profite d’une belle palette de couleurs pour plaire à un jeune public (clairement ciblé par le film). Il n’y a qu’à voir la restitution chatoyante des éléments dorés composant le décorum de l’hôtel au coeur du film pour se convaincre de l’excellente tenue de l’édition haute-définition proposée par Warner Bros.

Du côté du son, Warner Home Média nous offre toujours un travail soigné et des pistes multilingues décentes. C’est encore le cas. En version originale, vous pouvez profiter du film en Dolby Audio-True HD 7.1 (Atmos). En français, seule une piste Dolby Audio Digital 5.1 est disponible mais elle est fait le job d’autant plus que le doublage VF est plutôt de qualité.

Interactivités : une édition qui fait le plein de featurettes sur la création du film tout en proposant d’innombrables scènes coupées.

  • Scènes inédites (13 minutes avec certaines séquences non finalisées) : maison détruite (qui permet notamment d’expliquer pourquoi Tom & Jerry se retrouvent à New York) / un boulot dans le parc / Tom frappé par un camion / Kayla et l’appartement de Sadie / Tom sur des échasses / la chambre d’hôtel de Kayla / rêve de Tom / Terence au téléphone, en voiture pour le London Hôtel / Visite de NY et caricatures / Jackie et Kayla sous tension. Evidemment, le réalisateur Tim Story justifie le retrait de certaines scènes.
  • Bêtisier (3 minutes) : on ne présente plus ce type de bonus parfaitement adapté au public ciblé par le film.
  • Donner vie à Tom & Jerry (14 minutes) : une belle plongée dans la création du film aux côtés des créateurs du récit. Même si ce making-of est un peu court, il peut compter sur les autres bonus de l’édition pour gagner en épaisseur. On apprécie de revoir des extraits des films animés originels.
  • Le monde de Tom & Jerry (4 minutes) : à l’aide d’une « Jerry-cam », on découvre le monde vu à la hauteur d’une souris. C’est un peu anecdotique, mais ça a le mérite d’être en lien avec le film.
  • La dispute entre Tom & Jerry (4 minutes) : petite (et courte) réflexion sur l’éternel affrontement du chat et de la souris.
  • « Une maison pour une souris » d’après Jerry (4 minutes) : un focus sur l’appartement de Jerry, l’une des rares idées caustiques du film. Un bonus très anecdotique qui reprend des scènes du film à l’aide d’une voix-off promotionnelle.
  • Le guide de Tom & Jerry pour la faune et la flore à New York (5 minutes) : une attention portée aux espèces animales présentes dans le film. Un pastiche humoristique et pédagogique qui plaira au public ciblé.
  • Le mariage de Ben et Preeta (5 minutes) : un bonus dont on aurait pu se passer puisqu’il répète ce que le film a déjà dit.
  • Naissance d’une scène (5 minutes x 2) : création de deux scènes du film grâce aux commentaires du réalisateur entremêlés d’extraits du film.

En conclusion, si le film avait été à la hauteur de son édition vidéo fournie et techniquement soignée, nous aurions passé un moment des plus agréables en découvrant cette nouvelle guerre bon enfant entre Tom & Jerry mais le constat amer établi à l’issue du film est des plus frustrants.

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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