(Test DVD) Funan de Denis Do

Sorti en mars dernier sur nos écrans, le premier long-métrage animé de Denis Do arrive à présent en vidéo en deux éditions : DVD & Blu-ray. L’occasion de découvrir ou redécouvrir une œuvre forte qui impose d’ores et déjà son réalisateur au rang des artistes à suivre de très près. En contant une quête douloureuse au cœur d’un Cambodge enchaîné, l’équipe créative s’empare d’un sujet aux thèmes torturés. La sortie en vidéo du film est une belle occasion de revenir sur les réussites de cette émouvante entreprise artistique.

Synopsis  : 1975. La survie et le combat de Chou, une jeune mère cambodgienne, durant la révolution Khmère rouge, pour retrouver son fils de 4 ans, arraché aux siens par le régime.

(c) Les Films d’Ici

Dans la droite lignée des récits animés introspectifs qui compte de véritables chefs d’oeuvres du genre (Persepolis de Marjane Satrapi ou Valse avec Bachir d’Ari Folman entre autres), Funan entreprend de lier l’histoire d’une famille avec l’Histoire d’un peuple. Après une rapide séquence introductive lumineuse et optimiste, l’écran-titre plonge le film dans les méandres d’une noirceur inattendue. Chou, jeune femme courageuse, perd la trace de son fils de 4 ans alors qu’une révolution renverse les conventions sociales du pays. Dépourvu de concessions, le scénario aborde d’innombrables thématiques éprouvantes pour ne rien cacher du parcours meurtri d’une famille séparée. Preuve s’il en fallait encore une que l’animation est désormais totalement affranchie de son image de divertissement enfantin. Véritable chemin de croix tourmenté, Funan ne peut prétendre à l’optimisme qu’au fil de sacrifices aussi nécessaires que redoutés.

Même si la violence est souvent présente hors-champ, elle inonde chaque plan de son aura terrifiante. Les mises à mort sont nombreuses tandis que le désespoir torture les personnages principaux au même titre que les spectateurs : la violence qui se répercute sur les visages de Chou et de son fils va de pair avec leur situation inextricable. L’oppression d’un communisme subi retire tout sentiment de liberté à des personnages cloitrés sur terre, là où le ciel est lui-même réduit. Il n’est pas rare de voir ses reflets bleutés poindre dans les champs inondés comme si le ciel et la terre ne faisaient plus qu’un. Délivrance et souffrance cohabitent sur une terre malmenée par des idéaux totalitaires. Accompagnant à merveille les images du film, la bande originale composée par Thibault Kientz-Agyeman renforce l’entre-deux existentiel du film : entre paradis et enfer.

(c) Les Films d’ici

Mais Funan est surtout un film intelligent qui choque sans apitoyer grossièrement. Point de mélodrame ou de larmoiements inutiles dans cette aventure pourtant riche en scènes propices (on ne compte plus les disparitions brutales de personnages au fil du récit). Au contraire, la réalisation emprunte plutôt des chemins moins balisés et plus poétiques pour conter cette aventure suppliciée. Il en va ainsi d’un plan magnifique sur des bûchers atténués contant les morts passés. Les traits de l’animation ont beau être simplistes, la mise en scène les magnifie avec des éclairages et des ombrages ciselés. Quête de sens dans un monde désordonné, Funan croit en l’intelligence de son spectateur en privilégiant l’image au son. Point de dialogue nécessaire si la magie du montage fait son affaire. Le fil parallèle suivant les aventures de Chou et celles de son fils dans un autre camp de réfugiés est une belle idée narrative servant le propos du film. Aux souffrances de l’un succèdent les peurs de l’autre, signe évident du lien unissant ces deux êtres séparés.

Au final, Funan est une oeuvre fascinante, étouffante, sidérante. Il ne faut pas s’y tromper, sous ses airs d’univers sommairement animé, le premier long-métrage de Denis Do est un coup de poing. Un cri du cœur pour défendre les liens du sang malmenés par les aléas de l’Histoire collective.

(c) Les Films d’ici

EDITION VIDEO

Le distributeur ESC Distribution nous a fait parvenir une copie DVD du film, copie qui a été visionnée sur un écran OLED 4K. Nous ne saurions trop vous conseiller de vous procurer la version Blu-ray du film pour profiter d’une qualité graphique optimale pour découvrir ou redécouvrir ce long-métrage à l’esthétique soignée.

Image et son : Un beau support pour un film à la mise en scène soignée. Evidemment, la résolution basse-définition d’une édition DVD rend les traits parfois imprécis tandis que la colorimétrie peut s’avérer un peu pâle sur certaines séquences. Pourtant, ce manque de précisions à l’image devrait être corrigé par une édition Bluray plus adaptée à une sortie animée (et l’on ne peut qu’applaudir la volonté de l’éditeur de proposer le film en haute-définition pour apprécier au mieux les qualités graphiques du film).

Sur le plan des pistes sonores, le film propose de découvrir le film en VF Dolby Digital (5.1 ou 2.0). Une copie soignée avec les voix françaises de Bérénice Bejo et Louis Garrel. Les musiques et les voix sont clairement perçues, sans emphase : à l’image d’un film qui ne cherche pas à trop en faire pour mieux plaire.

Interactivités : Aucun bonus ne peut-être visionné sur un écran de télévision car il faut insérer le DVD dans un lecteur CD-Rom pour pouvoir profiter de quelques bonus interactifs. C’est fort dommage pour ceux qui ne possèdent pas d’ordinateur compatible…

Article rédigé par Nathan.

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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