(Test DVD) Wardi de Mats Grorud

Plus d’un an après sa présentation au festival d’Annecy, Wardi arrive enfin sur les écrans domestiques des français à travers une édition DVD riche en interactivités. L’occasion de revenir sur un long-métrage d’animation hybride, entre stop-motion et séquences en deux dimensions. Belle ode au devoir de mémoire et aux liens familiaux, le film de Mats Grorud est une œuvre véritablement humaniste à découvrir d’urgence si ce n’est pas déjà fait !

Synopsis : Beyrouth, Liban, aujourd’hui. Wardi, une jeune Palestinienne de onze ans, vit avec toute sa famille dans le camp de réfugiés où elle est née. Sidi, son arrière-grand-père adoré, fut l’un des premiers à s’y installer après avoir été chassé de son village en 1948. Le jour où Sidi lui confie la clé de son ancienne maison en Galilée, Wardi craint qu’il ait perdu l’espoir d’y retourner un jour. Mais comment chaque membre de la famille peut-il aider à sa façon la petite fille à renouer avec cet espoir ?

S’ouvrant sur un ciel synonyme de liberté, Wardi se met en quête d’historicité. Menée par une jeune fille touchante et déterminée, l’enquête du passé se construit au fil des rencontres. Film hybride oblige, les techniques d’animation permettent de distinguer le récit au présent, narré en stop-motion, des séquences passées animées en deux dimensions. Si l’on ne peut s’empêcher de préférer la dimension artisanale du récit contemporain au plus près des camps délabrés des palestiniens, l’animation 2D n’est pas en reste avec de véritables instants de poésie. Les mouvements des personnages y sont assez sommaires mais l’efficacité de la mise en scène intelligente pallie cette insuffisance. Des vues en contre-plongée sur les camps des palestiniens jusqu’aux scènes sans concession offertes au fil des souvenirs racontés par les personnages, l’image dit tout de l’horreur de la guerre.

Bien qu’il se propose de revenir sur l’histoire torturée du peuple palestinien, le film de Mats Grorud fait souvent le choix du sentimentalisme bienvenue pour permettre aux personnages de respirer un peu. En partant en quête des membres de sa famille ayant vécu l’exode de son peuple, Wardi partage des instants de pure magie. Qu’il s’agisse de la sagesse de son arrière grand-père, de la folie douce de son oncle et ses pigeons ou du sens du sacrifice d’une tante traumatisée par l’obscurité, la jeune fille a tout à apprendre pour enfin oser s’affirmer. Magnifique réflexion sur l’importance du passé, Wardi concentre son propos sur le passé des protagonistes au lieu de se jouer dans un présent tributaire des souvenirs à déterrer. Soutenu par une bande originale raffinée, l’oeuvre multinationale (réalisateur norvégien, animateurs multinationaux et thématique arabe) ne peut qu’émouvoir. 

Malgré tout cela, le scénario ne cède jamais à la facilité, si l’on excepte quelques métaphores trop usitées (les oiseaux, métaphores de liberté par excellence). Sorte de huis-clos à ciel ouvert, l’aventure initiatique de Wardi est une histoire collective : celle d’un peuple en quête de liberté et d’objectifs. Alors que les tentes originelles des premiers réfugiés ont laissé place à des tours infinies, une jeune fille s’affirme. Quand le temps est venu de laisser le passé s’envoler, la page peut être tournée et la jeune fille s’extirpe enfin du camp libanais. Doux amer, le dénouement fait le choix de la poésie pour aborder des évènements obligatoirement difficiles. Une réussite !

Au final, Wardi est un film d’animation soignée et essentiel qui enseigne l’importance de la mémoire dans un monde en constante évolution, d’autant plus que les générations ne cessent de se succéder. Même s’il se montre moins radical que d’autres propositions animées (on pense à Valse avec Bachir qui se passait aussi au Liban), le long-métrage de Mats Grorud est un must-see qu’il serait dommage de louper !

(c) Les Contes modernes

EDITION VIDEO

Le distributeur Jour2fête nous a fait parvenir une édition DVD du film (la seule offre sur le marché français), copie qui a été visionnée sur un écran OLED 4K.

Image et son : une édition basse définition plus satisfaisante sur les plans en stop-motion que sur les plans en 2D qui manquent de netteté. Dans l’ensemble, la copie est de bonne qualité et restitue fidèlement les images voulues par le réalisateur (bien que certaines scènes semblent un peu pâles). Comme toute édition DVD, l’on ne peut s’empêcher de regretter qu’elle soit la seule option possible pour découvrir le film chez soi. Une édition Blu-ray aurait été bienvenue mais sur le marché de l’animation, la haute-définition se fait rare…

Plusieurs pistes sonores sont proposées sur la copie : en français ou en arabe (sous-titré) avec deux pistes par langue (2.0 ou 5.1 Dolby Digital). La piste française est réellement efficace et rend fidèlement le voyage initiatique de Wardi.

Interactivités : L’éditeur Jour2fête ne se moque pas de ses spectateurs avec quatre vidéos aussi complètes qu’essentielles qui s’adressent en priorité aux amoureux de cinéma.

  • Interview avec le réalisateur Mats Grorud (Vostfr) qui se révèle évidemment très intéressante.
  • Interview avec Pierre-Luc Granjon (VF) – assistant-réalisateur/ modéliste sur le film.
  • Projections en Palestine : découverte du film dans les camps par les habitants au cœur du propos filmique – un bonus qui se révèle être un vrai prolongement du film, une manière de justifier l’existence et l’importance de Wardi.
  • Projections au Liban : même procédé pour donner du sens au film découvert précédemment.

En somme, il s’agit d’une vraie édition vidéo qui approfondit le propos du film en l’ancrant définitivement dans le réalisme.

Article rédigé par Nathan

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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