[Critique cinéma] Frankenweenie.

Burton. Il me semble être inutile d’entrer dans les détails tant ce réalisateur s’est imposé comme un des grands noms du cinéma contemporain. Père de véritables chefs d’œuvres (dont un animé, Les Noces Funèbres) mais aussi et surtout de nombreux échecs artistiques ces dernières années (on ne se remettra probablement jamais de la navrante relecture d’Alice au pays des merveilles) l’inquiétude était de mise pour Frankenweenie. Qu’importe notre peur, ce cher Tim nous surprend et propose un film d’animation parfaitement convaincant, dans lequel, à l’image du chien Sparky, le cinéaste reprend littéralement vie sous nos yeux.

On y va à reculons, on en ressort réjoui. Frankenweenie n’est pas l’insipide film que l’on craignait, proposant au contraire une véritable résurrection d’une créativité longtemps disparue. Alliant à merveille un humour noir décapant (dont on retient surtout un personnage particulièrement savoureux à chacune de ses apparitions, celle que l’on surnomme la weird girl – la fille étrange pour les non anglophones) à une émotion réellement palpable explosant avec douceur dans un climax à la fois sublime et terrifiant. La prouesse de Burton est en effet de nous intriguer une nouvelle fois dans une intrigue pourtant maintes fois éculée dans ses précédents films et le mystère sur l’happy ending possible ou pas reste entier avec force et délicatesse. Ici, point de grandiloquence (si ce n’est dans un dernier acte terriblement rythmé et jouissif pour tout amateur de vieux films fantastiques qui se respecte) mais une intrigue recentrée autour d’une petite bourgade plutôt tranquille, bien que terne, dans laquelle l’étrangeté prédomine. On pourrait regretter le manichéisme palpable des enfants présents dans le scénario mais on y retrouve surtout avec une joie non dissimulée l’amour avoué d’un cinéaste pour les freaks, les êtres étranges qu’il avait quelque peu laissé de côté ces derniers temps. Avant tout film de passionné, Frankenweenie ne délaisse jamais son intrigue pour déchaîner une somme titanesque de références cinématographiques qui sonnent toujours très justes et font de cette aventure animée un film de cinéphile parfaitement maîtrisé. Par ailleurs, en ressuscitant son art, Burton emmène avec lui le célèbre compositeur Danny Elfmann qui retrouve également l’inspiration dans un thème musical parfaitement émouvant. Ainsi, Frankenweenie s’apprécie avant tout pour l’espoir qu’il procure à son spectateur au sujet de carrières que l’on osait déjà enterrés et dans le rapport intimiste qu’il créé avec son auditoire.

Toutefois, entre deux traitements, le cœur du film balance. Proposant un regard dramatique forcément chargé en significations puisqu’il traite de la mort et de la possible nécessité de faire revenir à la vie un être cher disparu, Tim Burton ne se prononce finalement jamais sur la question et ne fait que suivre avec sobriété une intrigue qui aurait pu être encore plus frappante si elle avait eu le droit à une approche moins convenue, un comble pour un film traitant d’un sujet aussi original que la résurrection ! La morale aurait pu être extrêmement émouvante, elle n’en est que charmante, on en attendait plus avec un sujet aussi tragique, de même que l’on était en droit d’en attendre plus du côté des personnages adultes qui ne sont que des faire-valoir pour la cour de récréation monstrueuse que se créent les enfants du film. De plus, l’animation en stop-motion, si brillante qu’elle puisse être – on pense notamment au magnifique traitement de la lumière qui a été effectué – est en-deçà de l’expérience ultime procurée par L’étrange pouvoir de Norman en Août dernier. Moins fluide, plus austère, la réalisation de Frankenweenie répond à l’intention du réalisateur mais émeut beaucoup moins que le savoir-faire des studios Laïka. Et si l’on peut vous donner un conseil avant de terminer, ce serait de découvrir ce très bon cru burtonien en 3D relief, procurant une immersion assez étonnante pour un film aux teintes si sombres (il est bien connu que les films sombres ne supportent guère la 3D relief d’ordinaire).

En conclusion, Frankenweenie est le film qu’il fallait à Burton pour enfin retrouver une certaine estime auprès de son public après un Dark Shadows certes encourageant mais manquant d’une certaine irrévérence. Bien que l’originalité scénaristique connue dans Les Noces Funèbres ne soit ici pas présente, les émotions sont au rendez-vous aux côtés d’une animation atypique mais répondant à l‘ambiance scénaristique. Finalement, on regrette que le film soit un parfait échec commercial à travers le monde, poussant probablement Burton à laisser de côté la stop-motion qui lui sied pourtant si bien…

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

2 comments On [Critique cinéma] Frankenweenie.

  • j’ai trouvé que c’est un excellent film, ta remarque sur le rôle des parents est pertinentes mais les enfants sont tellement excellents (comme la weird girl).
    D’une part le film possède une superbe photographie, et d’une autre pas mal de petits clins d’oeil au cinéma d’horreur/fantastique, qu’adore Burton. (le « caméo » de Chirstopher Lee m’a fait sourire, le clin d’oeil à Gremlins aussi).
    Burton revient petit à petit en force!

    C’est vrai que l’animation de Frankenweenie n’est pas aussi belle que celle de Paranorman, mais je pardonne facilement, car la stop motion est un merveilleux procédé qui sied très bien au réalisateur originaire de Burbank. (pas le même procédé pour les marionnettes je crois).

    Très bonne critique sinon!

    • Merci pour ton petit retour !
      Globalement d’accord avec tes remarques parce que même si la stop-motion ne m’a pas éblouie, elle reste d’excellente facture. En tout cas, ravi de voir que mon avis est partagé et espérons que les foules se déplaceront pour découvrir ce film.

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