(Critique) Goodbye d’Atsuko Ishizuka

Le festival d’animation d’Annecy est souvent gage de qualité et l’on attendait de pied ferme l’une des œuvres proposées en sélection au cours de l’édition 2022 : Goodbye d’Atsuko Ishizuka qui sort enfin en salles via Eurozoom le 18 janvier prochain. Tout en dressant le portrait d’une amitié évidente entre trois jeunes hommes, le long-métrage nippon construit une réflexion aux accents philosophiques sur le bonheur et ses multiples incarnations individuelles. En quête de sens, le trio grandit et révèle les arcanes des liens qui les unissent dans une histoire tragique qui, au risque d’en faire trop, déborde d’effusions lacrymales.

Résumé : Roma est un jeune garçon qui vit à la campagne. Avec son ami d’enfance Toto ils se font appeler les « Donglees » et ils organisent un petit spectacle de feu d’artifice tous les étés. A l’issue de sa première année de lycée, Toto revient de Tokyo où il étudie. Un nouveau venu, Drop, se joint aux DonGlees pour filmer avec son drone le spectacle vu du ciel. Mais cette fois-ci, rien ne va, les feux d’artifices ne fonctionnent pas et le drone est emporté par le vent. Au même moment, un feu de forêt se déclenche pour une cause indéterminée. La toile s’affole et blâme les DonGlees. Doma, Toto et Drop partent à la recherche du drone pour prouver leur innocence.

Les histoires d’amitié ne manquent pas sur le grand écran mais Goodbye d’Atsuko Ishizuka tente d’aller plus loin que son postulat un brin traditionnel. Les DonGlees (un trio d’adolescents masculins) cherchent à prendre de la hauteur pour voir le monde autrement, en usant notamment d’un drone, élément perturbateur du récit. Accusés d’avoir déclenché un incendie de forêt lors des festivités d’un village, le groupe d’amis part en quête d’innocence, l’objet de leur quête étant le drone disparu capable de les réhabiliter aux yeux du village. Sur le plan narratif, l’histoire du film est conventionnelle parce qu’elle implique des révélations psychologiques construisant les portraits de ces personnages différents. Néanmoins, ces nécessités techniques insufflent une émotion forte qui ne cesse de grandir jusqu’au climax empli de larmes et l’on ne peut que s’attacher à ces trois personnages qui s’épaississent au fil de l’histoire.

Ainsi, au gré de leur pérégrination naturelle, Toto, Drop et Roma révèlent leurs vérités et leurs objectifs de vie. La quête du drone est aussi une quête de soi tout autant qu’une quête de la définition du bonheur (et du trésor personnel). La prise de hauteur voulue par l’usage du drone devient alors la prise de hauteur nécessaire sur le monde et son prosaïsme. C’est par ce symbolisme touchant et bien amené que le film d’Atsuko Ishizuka brille tandis qu’il déçoit quelque peu en s’engageant parfois explicitement dans la métaphore filmique. Le dernier acte déborde de musiques larmoyantes et de sur-explications qui fragilisent la sincérité d’une histoire à fleur de peau jusqu’ici. Les trois amis touchent inévitablement de par leurs histoires respectives (les maladies et les pressions sociales forgeant le caractère des ces garçons attachants) mais les tragédies semblent parfois trop forcées pour pleinement embarquer le spectateur. Toute la longue séquence finale déborde de bons sentiments et dévoile le mystère entourant le passé d’un des trois personnages. Se payant le luxe d’offrir un twist rocambolesque, le récit déploie ses ailes.

Si l’on rit beaucoup, notamment au cours d’une séquence de travestissement hilarante en début de métrage, on pleure aussi abondamment tout au long du chemin vers la vérité de ces trois êtres. La colorimétrie jaunâtre privilégiée par l’équipe créative enfonce un peu plus encore le propos doux amer du scénario. Plus encore que les mystères entourant les personnages, ce sont les séquences intimes qui mettent en exergue leurs liens d’amitié qui volent la vedette, à l’image d’une réflexion sur l’origine de leur nom de groupe sous un ciel étoilé. Finalement peu de choses dans l’immensité, ces trois amis se lient. Si Goodbye a les traits d’un adieu, il n’en demeure pas moins une lettre d’espoir universelle mettant le bonheur à la portée de tous, par le prisme notamment des amitiés sincères.

On rit, on pleure et on s’éprend au fil des rebondissements d’une amitié estivale des plus touchantes. Goodbye force parfois un peu le trait mais dévoile des trésors d’émotion en poussant ses personnages (et le spectateur, par la même occasion) à l’une des réflexions les plus intenses de nos existences terrestres : comment atteindre le bonheur et s’accomplir ?

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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