(Critique) Le lion et les trois brigands de Rasmus A. Sivertsen

On peut toujours compter sur la curiosité européenne du distributeur KMBO pour nous proposer des œuvres modestes et animées dans les salles obscures. Le nouveau long-métrage de Rasmus A. Sivertsen est de celles-là, à cela près qu’elle fait de ses faiblesses (une intrigue spatialement resserrée) une force en contant l’agréable quotidien empli de naïveté d’une ville charmante. Le lion et les trois brigands est une jolie fable sur la solidarité et la rédemption profitant des atouts charmants du stop-motion. Même s’il s’adresse avant tout à un jeune public qui saura apprécier à sa juste valeur la candeur du propos, les plus grands seront touchés par la sincérité de l’entreprise.

A noter qu’il s’agit de l’adaptation d’une oeuvre norvégienne écrite par Thorbjorn Egner et qui fait pleinement partie du folklore du pays (« Les habitants et les voleurs de Caradamome »).

Résumé : Bienvenue à Cardamome, la ville la plus paisible au monde ! La boulangère prépare ses petits pains, le cordonnier répare les souliers et la météo annonce toujours du beau temps : rien ne pourrait semer le trouble parmi les habitants. Rien, vous dites ? C’est sans compter trois drôles de crapules du nom de Casper, Jasper et Jonathan, qui se sont mis en tête de s’aventurer en ville… et attention, ils ont un lion !

A Cardamome, petit village au milieu de nulle part, la vie s’écoule paisiblement. Quelques divergences subsistent, à l’image d’une femme intraitable (mademoiselle Sofie) qui ne veut pas se laisser emporter par la bonhomie ambiante ou bien d’un trio de brigands un brin inoffensifs, mais l’enthousiasme prédomine. Musicalement caustique, le film embarque ses spectateurs dans une aventure modeste qui célèbre la force des valeurs humaines telles que la tolérance. « Ici, la vie est douce » souligne le doyen du village (Tobias), et cela se ressent constamment dans le film ! Dédiée à un jeune public, cette nouvelle entreprise cinématographique a la saveur des films de nos enfances, sous ses airs de contes édulcorés où la bienveillance triomphe toujours face à des menaces mesurées.

S’il semblera très (trop?) naïf à certains dans sa représentation des rapports humains, Le lion et les trois brigands n’en demeure pas moins une utopie enthousiasmante qui fait du bien pour offrir de jolies leçons aux enfants. Dans cette histoire revisitant Blanche-Neige par la contrainte – mademoiselle Sofie étant enlevée par une bande de voleurs souhaitant voir leur logis briller – les bons sentiments abondent et les méchants n’en sont pas vraiment. Mais cela entre pleinement dans les intentions filmiques bâtissant la rédemption des antagonistes dans un climax (modéré) célébrant les vertus de la solidarité et de l’entraide. En ce sens, le film de Rasmus A. Sivertsen est extrêmement pédagogique puisque les enfants sont invités à prendre en compte les leçons prodiguées aux trois brigands (comme le fait d’être propre sur soi pour vivre en société).

C’est aussi dans son imagerie surannée que le film ravira son public : loin des effusions numériques d’une grande majorité des films animés de notre époque, Le lion et les trois brigands profite d’une animation hybride entre des décors en volume photographiés au début de la production auxquels les personnage sont été ajoutés numériquement. Cette combinaison de techniques a presque des airs de stop-motion ! Le film se distingue ainsi du tout-venant et propose même de rares séquences en 2D qui content le passé des personnages pour distinguer le passé et le présent à l’écran. Quelques éléments gratuits réduisent un peu l’efficacité du film à l’image d’un lion dont le titre affiche l’importance alors qu’il n’intervient qu’en de rares occasions dans l’histoire contée. Son character design des plus mignons le rend évidemment attachant mais il ne sert que trop peu l’intrigue du film.

Au final, Le lion et les trois brigands est un joli conte moral faisant de sa naïveté une force pour délivrer un message de paix et de solidarité essentiel en ces temps troublés. Quelque peu limité pour un public plus âgé, le film n’en reste pas moins réjouissant entre ses partitions musicales enjouées et ses personnages au grand coeur.

A découvrir en salles le 15 mars prochain via KMBO.

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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