(Critique) Le mystère des pingouins d’Hiroyasu Ishida

Et soudain, au cœur de l’été, apparaît une réussite rafraichissante sur nos écrans (rendez-vous le 14 août prochain dans les salles françaises). Sorti l’année dernière sur ses terres japonaises, le premier long-métrage des studios Colorido est une véritable surprise qui promet d’autres belles réussites à venir. Entre fantaisie et réalité, Le mystère des pingouins a beaucoup à nous raconter au fil d’une relation naissante entre un jeune garçon et une assistante dentaire pas comme les autres.

Synopsis  : Quand des pingouins apparaissent partout dans sa petite ville,  semant au passage une joyeuse pagaille, le jeune Aoyama se dit qu’il y a là une enquête à mener. Ce studieux élève de CM1, accompagné de son meilleur ami, enrôle également sa rivale aux échecs et une énigmatique assistante dentaire pour percer le secret des pingouins. Mais ces petites bêtes ne sont que le premier signe d’une série d’événements extraordinaires. 

D’entrée de jeu, le premier film d’Hiroyasu Ishida implique son spectateur en le questionnant, au même titre que les personnages de l’intrigue, sur l’apparition impromptue de pingouins en pleine banlieue nippone. S’amorce alors un mystère qui ne cesse de s’épaissir au fil des séquences jusqu’au dénouement que certains jugeront à coup sûr frustrant. Adapté d’un livre de science-fiction écrit par Tomihiko Morimi que nous n’avons pas eu la chance de lire, le scénario n’emprunte jamais des chemins trop évidents pour avancer. Une qualité indéniable pour tout film d’animation aux ambitions faites d’originalité qui se respecte mais qui risque de perdre certains enfants au cours de l’aventure, les pingouins n’étant finalement qu’un prétexte à une véritable quête initiatique aux rebondissements parfois hermétiques.

Quête de soi tout comme une quête de maturité, ce premier long-métrage conte les questionnements légitimes du jeune Aoyama, héros atypique. Refusant la naïveté de ses camarades d’école, il use de concepts scientifiques pour comprendre ce qui l’entoure, à l’image de l’apparition soudaine de pingouins insolites. Le jeune personnage principal en irritera certains parce qu’il se montre très sûr de lui tandis que d’autres apprécieront la caractérisation particulière d’un enfant si singulier (ne le sont-ils pas tous?) S’éveillant à la sexualité (les nombreux plans fixes sur la poitrine de l’assistante dentaire dont Aoyama s’éprend sont éclairants) et au monde des adultes, il confronte ses propres peurs à un monde qui lui est inconnu. Par ailleurs, les thèmes forts ne manquent pas et sont traités avec un sérieux étonnant dans une telle production : la mort (on pense à cette séquence de décomposition d’un personnage dans un cauchemar prophétique), l’écologie mais également la solitude sont au rendez-vous.

A la frontière du fantastique en début de métrage, le film glisse peu à peu vers l’irréel le plus total, ce qui lui évite sûrement de s’enliser dans une gravité de ton qui serait contre-productive face à un public d’enfants (bien qu’ils ne soient pas les seuls à être attirés par l’animation, évidemment). Cette propension à l’irréalité n’est pas sans rappeler l’imaginaire d’Hayao Miyazaki et ses confrères, notamment au détour de parties de jeux au beau milieu d’une « mer d’herbe » qui fait écho au Vent se lève. Aoyama, Uchida et Hamamoto vivent une aventure inattendue qui les fait grandir sous les traits d’une animation soignée et chaleureuse. Aussi fluide qu’intelligente, la mise en scène donne à voir une métamorphose progressive du réel qui atteint son apogée dans une séquence purement onirique dans la dernière partie de l’oeuvre. Des touches surréalistes mènent le jeune héros et sa nouvelle amie, « la dame » comme elle est appelée dans le film. L’hybridation 2D/3D donne à voir de belles scènes imaginatives qui finissent de nous plonger dans ce parcours incroyable.

(c) Studio Colorido

Mais toutes les bonnes productions ont parfois des limites qui empêchent de toucher le statut de chef d’oeuvre du bout des doigts, à l’image d’un dénouement qui traîne en longueur après une résolution tonitruante aux portes du surréalisme. Le film aurait gagné à une fin plus resserrée d’autant plus qu’en l’état, elle ne résout pas tous les fils narratifs déployés au fil des deux heures que dure le film (tout de même!) Les théories du jeune Aoyama n’appartiennent qu’à lui et génèrent une fin ouverte propice aux réflexions. Pour grandir, il faut aussi être prêt à accepter de ne pas tout comprendre sur le champ. Une belle leçon de vie.

En somme, Le mystère des pingouins est un film faussement enfantin (derrière ses petits pingouins mignons se cache une lecture quasi philosophique) qui traite de sujets forts sans pour autant lésiner sur les touches humoristiques. Une belle oeuvre aux défauts rares qui plaira aux enfants mais surtout aux parents qui les accompagneront.

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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