(Critique) Le secret des Perlims d’Ale Abreu

En 2013, nous nous éprenions de l’existence esquissée d’un jeune garçon en proie aux bouleversements politiques et écologiques de son monde dans le second long-métrage d’Ale Abreu. Dire que nous attendions son nouveau projet serait donc un euphémisme évident. Distribué par UFO Distribution, un distributeur audacieux qui sait faire les bons choix dans ses projets (coucou Unicorn Wars), Le secret des Perlims se révèle aussi fascinant que son aîné, malgré son récit apparemment plus immédiat, et renforce les obsessions thématiques de son auteur, entre apologue antimilitariste et fable écologique.

Résumé : Claé et Bruô sont deux agents secrets de royaumes rivaux, ceux du Soleil et de la Lune, qui se partagent la Forêt Magique. Lorsque les Géants menacent d’engloutir leur monde sous les eaux, les deux ennemis doivent dépasser leurs différences et allier leurs forces. Ils partent alors à la recherche des Perlims, des créatures mystérieuses qui, elles seules, peuvent sauver la Forêt…

(c) UFO Distribution

On ne met pas longtemps à se laisser emporter par l’univers poétique du film : dès le générique introductif aux couleurs vibrantes et aux effets stroboscopiques, on sait que l’on tient déjà l’un des films les plus intéressants de cette année sur le plan graphique. Première et grande qualité du secret des Perlims, l’imagerie féérique au possible fait constamment rêver avec ses couleurs chaudes et ses décors picturaux qui flattent la rétine. Une fois encore, Ale Abreu nous invite à une célébration de la nature par le prisme d’une histoire aux allures de mythe. S’il faut attendre le dernier virage réaliste du récit pour en comprendre les véritables enjeux après une ribambelle de métaphores à hauteur d’enfant (« les géants » étant, par exemple, les humains), la réalisation s’amuse avant cela des liens inextricables entre l’Homme et l’animal, à l’image d’une île enchantée ayant la forme d’un visage humain tourné vers le ciel.

Le secret des Perlims est une véritable étrangeté, dans le bon sens du terme, qui questionne beaucoup autour d’une intrigue des plus sommaires. Les deux personnages principaux, Claé et Bruô enlisent parfois le récit dans des dialogues enfantins là où le jeune héros du Garçon et le monde faisait de son mutisme une clef universelle, mais la magie de l’entreprise cinématographique relance constamment l’intérêt pour cette quête initiatique. Comme de coutume désormais dans l’imaginaire d’Ale Abreu, la musique a toute son importance : le sound design est capital puisqu’il matérialise les « perlims » recherchés par les protagonistes mais aussi les machines dévastatrices de l’Homme, évoquées par des rythmes plus rock. Dans un ballet électro-folklorique, Calé et Bruô sont en quête d’êtres imaginaires qui plongent le film dans l’onirisme. Point d’images d’archives sur la folie humaine cette fois-ci mais des séquences évocatrices qui ne trompent pas.

(c) UFO Distribution

De fait, la narration embrasse pleinement la dimension onirique du film dans tous les recoins de son développement pour aborder des sujets de société pourtant bien ancrés dans notre réalité : preuve que l’on peut rêver tout en portant un regard affirmé sur le monde. Au loin, les personnages évoquent les guerres humaines et les dangers de la fuite en avant technologique de l’Homme, mais aussi les conflits entre les tribus. Quant les deux personnages s’opposent, ce sont deux conceptions du vivre-ensemble qui s’écharpent puisqu’ils viennent respectivement du royaume du soleil et de la lune. Sous ses airs de film pour enfants, Le secret des Perlims s’adresse à tous pour porter un avertissement universel sur l’état de notre terre en proie aux sociétés. Teinté de pessimisme, le message entraperçu tout au long de cette quête aux mille merveilles graphiques s’offre toutefois une éclaircie pleine d’espoir entre les mains d’une jeune génération consciente des enjeux posés. A l’opposé d’un personnage secondaire croisé au gré de leur quête qui conte son histoire et ses échecs passés en fuyant la réalité, les deux jeunes protagonistes principaux portent en eux l’espoir de lendemains meilleurs…

Avec cette fable écologique qui porte en elle bien plus de messages que l’on pourrait croire au premier abord, Ale Abreu réussit presque à égaler la puissance thématique et graphique de son précédent long-métrage primé au festival d’animation d’Annecy. Visuellement splendide et riche de thèmes essentiels, Le Secret des Perlims est un long-métrage faussement enfantin qui questionne toute la famille en la faisant rêver. L’année commence à peine, mais je tiens déjà mon premier coup de coeur !

(c) UFO Distribution

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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