(Critique) Les mondes parallèles de Yuhei Sakuragi

En ces temps quasi dystopiques, l’arrivée sur nos écrans du film de science-fiction : Les mondes parallèles est fort appropriée. Même s’il n’y est pas question d’épidémie ou de conflits internationaux, l’on y retrouve quand même un Japon alternatif étroitement lié au pays nippon que l’on connaît pour conter les amours d’adolescents passionnés. Sur le papier, le film est alléchant mais il n’emprunte pas toujours les voies les plus efficaces pour satisfaire un public d’initiés. Pour son premier long-métrage, Yuhei Sakurai fait quelques erreurs de débutant. Retour sur cette demi-réussite qui ne restera pas dans les annales des animés.

Résumé : Shin et Kotori sont deux lycéens ordinaires qui vivent à Tokyo. Un jour, Shin rencontre son parfait sosie. Le garçon s’appelle Jin et prétend venir d’un monde parallèle sur lequel règne une princesse malfaisante. Pour sauver les siens, il doit vite trouver le double de la persécutrice. La vie des lycéens bascule quand Shin découvre que la sombre princesse ressemble à son amie…

(c) Craftar Studio

S’il y a bien une chose que l’on ne retirera pas au film de Sakuragi c’est son originalité narrative. Alors que le premier quart d’heure du film laisse circonspect parce qu’il retient volontairement les clefs des mystères entourant les personnages et leurs relations, l’on ne peut que regretter les sur-explications qui s’ensuivent. On pense notamment à la séquence dotée d’une voix-off qui présente explicitement les deux mondes parallèles dont il est question dans le titre français du film. N’aurait-il pas été préférable de privilégier l’implicite ? En l’état, le scénario laisse l’amère impression de prendre ses spectateurs pour des imbéciles auxquels il faut tout expliquer, d’autant plus que le procédé est réemployé lorsqu’il s’agit de rappeler la destinée des protagonistes au cours du film.

Fort heureusement, au-delà de cette incapacité à se départir d’une voix-off toute-puissante, le long-métrage japonais parvient souvent à construire un propos cohérent. Au cœur d’un univers de science-fiction fort intéressant qui soulève des sujets forts de notre époque contemporaine, Les mondes parallèles déploie une palette de personnages dynamiques aidés par des twists évitant l’ennui. Le film n’hésite d’ailleurs pas à se montrer violent et à pleinement embrasser les horreurs des sociétés qu’il dépeint. Les personnages principaux ne sont jamais à l’abri et peuvent mourir à tout instant à cause du lien qui les lie à « l’autre monde », ce qui renforce l’implication du spectateur toujours sur le qui-vive. C’est d’ailleurs en plongeant pleinement dans son univers dystopique que le film atteint ses objectifs.

(c) Craftar Studio

Malheureusement, il s’en éloigne beaucoup lorsqu’il privilégie la relation un brin surannée des tourtereaux au cœur du scénario. Empilant les stéréotypes animés lorsqu’il s’agit de conter la romance entre deux adolescents typiques, le long-métrage de Yuhei Sakuragi emprunte des chemins balisés. Qu’il s’agisse des séquences aux images fixes (il s’agit évidemment là d’une question d’économie animée) ou des chansons pop sirupeuses : tous les poncifs du genre sont au rendez-vous (à vrai dire, tout cela se restreint à la première demi-heure du film). On préfèrera découvrir la dimension pittoresque des androïdes découvrant notre monde aux histoires langoureuses des êtres humains.

Sur le plan graphique, Les mondes parallèles s’en tire avec les honneurs. En choisissant un mélange entre la 2D traditionnelle des animés et une 3D pour métaboliser les personnages du film, l’équipe créative va au bout de sa réflexion sur l’hybridation. Se prêtant à merveille au mélange des techniques d’animation puisqu’il est question d’êtres entre robotique et humanité, le long-métrage demeure cohérent et soigné. Il apparaît alors évident que le premier projet au long cours de Yuhei Sakuragi aurait eu un tout autre visage avec un scénario moins sur-expliqué. Difficile de faire poindre de l’émotion dans ces conditions puisque l’on n’oublie jamais vraiment que nous sommes face à une production calibrée. Trop violent pour être destiné aux enfants et trop didactique pour vraiment satisfaire les plus grands : à qui s’adresse finalement ces mondes parallèles ?

(Craftar Studio)

Au final, Les mondes parallèles est un long-métrage dynamique qui plaira avant tout aux fanatiques de science-fiction animées. Si son univers violent et dystopique en comblera plus d’un (les combats sont un régal), ses raccourcis parfois trop chargés lui empêchent de vraiment exceller dans son registre. Il faut parfois faire le choix de la subtilité pour toucher réellement au plus près les spectateurs.

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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