(Critique) Maurice, le chat fabuleux de Toby Genkel

Terry Pratchett s’anime ! Toby Genkel, réalisateur, entre autres, d’Oups ! J’ai raté l’arche (et de sa suite) mais aussi du Voyage de Ricky (des productions honnêtes mais techniquement perfectibles qui n’auront pas marqué l’histoire du cinéma), donne vie au chat extravagant de l’auteur anglais. En résulte un divertissement réjouissant qui confirme les progrès techniques de l’équipe créative à la barre (Ulysses Filmproduktion) mais qui permet aussi de mettre en lumière un ouvrage atypique de son auteur. Fable médiévale tout autant qu’œuvre parodique des contes de nos enfances, Maurice, le chat fabuleux vaut le détour avec ses différents niveaux de lecture et ses sorties extra-diégétiques savoureuses !

Résumé : Maurice le chat fabuleux arrive dans une nouvelle ville, avec ses compères les rats. Un seul but : arnaquer tout le monde, puis ronronner sur un confortable tas de pièces d’or. Mais, à leur arrivée, des événements mystérieux et magiques troublent leur plan. Rien ne se passe comme prévu et ils décident de mener l’enquête. Démarre alors une grande aventure pour cette petite bande bien poilue !

Copyright 2022 Ulysses Filmproduktion GmbH and Cantilever Group Limited

Tout d’abord, il faut savoir que je n’ai jamais lu l’oeuvre originale de Terry Pratchett. Ce détail à son importance tant la plus grande force du film est son histoire surprenante et ses accents satiriques. Construit en plusieurs strates, le film s’amuse de sa narration, de ses personnages et de son recours aux ressorts traditionnels du conte pour enfants (la séquence du joueur de flûte de Hamelin est aussi parodique qu’originale en termes de mise en scène). Deux personnages ne cessent de briser le quatrième mur pour s’adresser aux spectateurs et offrir un humour méta qui fait mouche (au risque de mettre en péril la vraisemblance de l’univers dans lequel se déroule l’histoire). Dans une ambiance médiévale qui sied bien aux contes traditionnels, le récit de Maurice, le chat fabuleux fait fi d’une quelconque quête réaliste, qu’il s’agisse des costumes parfois anachroniques de ses personnages principaux mais aussi de ses clins d’oeil à notre époque contemporaine. Le film de Toby Genkel se cherche, comme dans le character design en dents de scie des personnages mais l’animation numérique est de qualité (que de progrès depuis les premiers projets du réalisateur !). Quelques choix questionnent, à l’image du sourire perturbant du félin donnant son titre au film, mais l’animation des êtres humains est de qualité !

Pensé comme une marionnette guignolesque, le chat est un élément comique imparable avec ses mimiques et ses remarques décalées et participe pleinement à la réussite du projet débordant d’humour et d’élans parodiques. Le champ des possibles est vaste dans ce long-métrage, qu’il s’agisse des adresses directes aux spectateurs mais aussi aux entorses faites à la réalité par une aventure résolument cartoonesque lorsque le chat rencontre la mort dans une allégorie narrative des plus caustiques. Maurice, le chat fabuleux emprunte à tous les genres pour établir ses trames scénaristiques, à l’image d’une séquence introductive musicale qui donne à voir un ballet de rongeurs autour de notre protagoniste félin à la voix affirmée. En parlant de voix, le film comporte un casting cinq étoiles en version originale qui officie avec générosité : Emilia Clarke s’éclate dans la peau de Malicia brisant sans cesse la diégèse filmique tandis que Hugh Laurie se glisse dans la fourrure du chat manipulateur avec délice.

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C’est aussi par ses thématiques riches que le film de Genkel touche au but : la réflexion efficiente sur la force des textes sur l’esprit des plus crédules (via l’histoire insérée de monsieur Lapin que les personnages lisent au fil du métrage) ou même les combats d’animaux, densifient le propos du film. Maurice, le chat fabuleux est évidemment une proposition réjouissante mais elle n’en demeure pas moins une intéressante mise en images du rejet de l’autre jusqu’à son paroxysme : l’extermination. Incarnation évidente du rejet, le rat souffre et participe à la naissance d’un antagoniste épris de solidarité victimaire. Se nourrissant des plus faibles, l’ennemi principal révèle le sous-texte sociétal du long-métrage.

Au final, Maurice, le chat fabuleux est une joyeuse fable sur les contes et les êtres rejetés par la société. Même si le quatrième mur se délite face aux remarques incessantes du chat et de ses acolytes, l’histoire contée a de quoi plaire à tous les publics. Véritable apologue cinématographique invitant à la réflexion avec humour, le long-métrage de Toby Genkel est assurément son meilleur jusque-là !

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Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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