(Critique) Migration de Benjamin Renner & Guylo Homsy

Sur le papier, Migration était probablement le long-métrage des studios Illumination que j’attendais le plus : avec Mike White (l’esprit derrière l’extraordinaire série The White Lotus) à l’écriture et Benjamin Renner (notre frenchie à la barre du premier long-métrage Ernest et Célestine) à la réalisation, comment ne pas rêver ? Mais il était aussi légitime de s’inquiéter sur l’originalité du film, d’innombrables productions contant les voyages aériens d’oiseaux existant déjà. A l’arrivée de ce voyage à travers le continent américain de 90 minutes, Migration se révèle fort enthousiasmant tout en étant doté d’une écriture profondément classique. Un très beau divertissement, passé à quelques plumes du chef d’oeuvre tant espéré.

Résumé : La famille Colvert est en proie à un dilemme d’ordre domestique. Alors que Mack est totalement satisfait de patauger paisiblement et définitivement avec sa famille, dans leur petite mare de la Nouvelle Angleterre, sa femme Pam serait plutôt du genre à bousculer un peu cette routine pour montrer à ses enfants – Dax qui n’est déjà plus un caneton et sa petite sœur Gwen – le reste du monde. Lorsqu’ils accueillent, le temps de leur halte, une famille de canards migrateurs, c’est l’occasion rêvée pour Pam de persuader Mack de les imiter et de se lancer dans un périple en famille : destination la Jamaïque, en passant par New York.

Copyright 2023 Illumination Entertainment and Universal Studios. All Rights Reserved.

Dans la plus grande tradition des histoires de dépaysement, Migration nous propose de rencontrer une famille composée d’esprits opposés partant à l’aventure. Comme Rio (des regrettés studios Blue Sky) en son temps, le film de Benjamin Renner et Guylo Homsy met en scène un couple d’oiseaux aux envies discordantes. Tandis que Mack effraie ses enfants pour leur retirer tout envie de migrer et de quitter leur nid douillet, dans une séquence en 2D peinte introduisant le film, Pam, de son côté, anime l’esprit d’aventure de ses enfants, Dax et Gwen, auxquels elle a transmis sa témérité. Et c’est aussi par le caractère que l’élément perturbateur survient : refusant de s’enliser comme l’oncle Dan, Mack fait fi de ses angoisses et engage toute sa famille dans le grand voyage de leur vie.

Autour de ce scénario à la construction des plus classiques – les personnages partant vers l’inconnu et rencontrant des personnages haut en couleurs, dans tous les sens du terme – Migration déploie un océan de bonne humeur et de séquences magistrales. Réussissant avec brio à nous mettre à hauteur de cette famille altruiste, la mise en scène du film est le dépaysement graphique qu’il fallait pour accompagner ces volatiles dans leur odyssée. A chaque décollage, la caméra suit littéralement l’envol des oiseaux pour nous émerveiller avec eux. A chaque découverte de nouveaux décors naturels ou urbains, la réalisation épouse le point de vue des canards pour nous surprendre. Tout cela est rendu possible par une animation 3D de haut vol (elle était facile!) qui nous offre l’une des plus belles propositions des studios Illumination (si ce n’est la plus belle?)

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Une magnifique proposition graphique qui doit beaucoup aux choix naturalistes opérés par l’équipe créative : moins cartoonesques que les personnages habituels de la firme derrière la saga Moi, moche et méchant, les protagoniste de Migration se rapprochent du réel à l’exception des êtres humains, relégués au second plan. Même si l’histoire du film comprend un antagoniste ridicule (cela devient une habitude chez Illumination), ce sont les oiseaux qui ont la vedette dans ce long-métrage. L’accent mis sur l’animation ciselée des personnages est renforcée par une lumière chaleureuse et envoutante, orchestrant toujours les différentes ambiances désirées. Qu’il s’agisse d’une grange misérable, théâtre d’une scène comico-horrifique bien amenée en début de métrage, ou d’une cité américaine embrumée, la mise en scène est ingénieusement pensée. Ajoutez à ces graphismes léchés une bande originale épousant parfaitement l’alliance d’aventure et d’humour du film et vous obtenez le cocktail réussi d’une séance animée en famille. John Powell (la saga Dragons, entre autres) a encore frappé !

Et si l’on peut parfois regretter les chemins balisés empruntés par l’histoire (peu de surprises narratives à l’horizon), un humour efficace parvient toujours à nous réengager dans l’aventure de cette famille si attachante. En effet, le film peut aussi compter sur sa famille, chacun de ses membres s’accomplissant au cours du voyage tout en faisant preuve de solidarité. Quelques séquences laissent à imaginer le film plus corrosif qu’il aurait pu être en déviant quelque peu des ressorts conventionnels du genre, notamment au fil d’une plongée dans une ferme bienveillante en fin de métrage. Les canards y sont rois, pour mieux attendrir la viande ! Le film en avait encore sous l’aile, mais le retour répété de l’antagoniste-cuisinier (le personnage le plus « Illumination » du film) semble entraver tout espoir d’assister à un récit moins convenu.

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Vous l’aurez compris, Migration est un magnifique divertissement qui prend son envol avec éclat. Même si nous étions en droit d’attendre un récit plus mordant avec une telle équipe à la barre, le plaisir est indéniable. Doté de graphismes fascinants, de personnages touchants et d’une histoire classique mais profondément universelle, Migration est une des plus belles sorties animées de l’année !

En salles le 6 décembre via Universal Pictures France.

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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