(Critique) Nina et le secret du hérisson d’Alain Gagnol & Jean-Loup Felicioli

Le retour tant attendu du binôme créatif (et productif) Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli est arrivé. Et preuve est de constater que leurs marottes n’ont pas changé : Nina et le secret du hérisson est une jolie fable qui emprunte les mécanismes du polar pour ravir le public auquel il s’adresse. Sans ironie aucune, la nouvelle collaboration du duo passe par l’enfance pour porter un regard faussement naïf sur le monde adulte. Une oeuvre emplie de tendresse et d’imagination qui, à défaut de renouveler le propos des créatifs à la tête du projet, promet une merveilleuse séance aux jeunes spectateurs (et pas que !)

Résumé : Nina aime écouter les histoires que lui raconte son père pour s’endormir, celles d’un hérisson qui découvre le monde. Un soir, son père, préoccupé par son travail, ne vient pas lui conter une nouvelle aventure… Heureusement, son meilleur ami Mehdi est là pour l’aider à trouver une solution : et si le trésor caché dans la vieille usine pouvait résoudre tous leurs problèmes ? Commence alors une grande aventure où il faut échapper à la vieille voisine et à son chat Touffu, déjouer les pièges du gardien et embobiner son gros chien… Sans compter le petit hérisson qui mène l’enquête à leurs côtés !

(c) Parmi les lucioles

Après le chat détective et l’enfant fantôme, voici venir le hérisson aventurier, fruit de l’imagination d’un père soucieux d’enrichir l’esprit de sa fille. C’est après sa rencontre fortuite avec un véritable hérisson (cette fois !) lorsqu’il travaillait à l’usine qu’un ouvrier – le père en question – l’aide à ressortir et se surprend à questionner la présence (déterminée) de l’animal dans l’entreprise. Il en fait alors le héros des histoires qu’il raconte à sa fille pour l’endormir, dans des contes qui prennent la forme de charmants cartoons en noir et blanc à l’écran. Mais très vite, la relation père-fils qui semblait se tisser laisse place à l’amitié teintée de passion entre la jeune Nina et son ami et voisin Mehdi, tandis que le petit animal s’empare du rôle de guide sans vraiment constituer le coeur du film, à la différence de ce que laissait présager le titre.

Désemparés à l’annonce du chômage de leur père respectif, les deux enfants embarquent pour une enquête au coeur de l’usine désormais fermée. On retrouve bien là le goût des artistes à la barre du projet, entrechoquant toujours le monde de l’enfance à celui, plus rude, des adultes. A travers le regard des enfants, la difficile acceptation d’une perte d’emploi est abordée avec justesse par un scénario qui ne laisse jamais les noires pensées prendre le dessus sur l’aventure. Les enfants s’amusent des péripéties du récit, à l’image d’un opposant de taille avec le chien-garde de l’usine désaffectée, tandis que les plus grands s’éprennent des angoisses plus réalistes de leurs parents.

(c) Parmi les lucioles

Même si ce nouveau long-métrage déborde moins de références savoureuses à l’art que leurs précédents projets (Une vie de chat pouvait compter sur d’innombrables clins d’oeil graphiques pour auréoler son propos d’une double lecture), Nina et le secret du hérisson ne démérite pas d’autant plus qu’il profite d’un casting vocal des plus soignés, au premier rang duquel on retrouve le regretté Guillaume Bats incarnant le hérisson. Sorte de Jiminy Cricket à la française, l’animal guide véritablement la jeune fille vers l’accomplissement de ses objectifs, qu’ils soient familiaux ou sentimentaux. Joliment mis en scène, dans la plus grande tradition des films de Gagnol et Felicioli, le zeste de folie en moins peut-être ?, leur nouvelle collaboration finit d’emporter l’adhésion de son public.

Vous l’aurez compris, Nina et le secret du hérisson ne révolutionne pas l’alliance du polar à la sphère de l’enfance déjà entreprise dans leurs longs précédents mais il parvient à offrir un bel instant cinématographique pour toute la famille. Si on lui préfèrera sûrement l’exigence artistique d’Une Vie de chat, on ne boudera pas pour autant notre plaisir de retrouver ces artistes à la solde du réalisme enfantin.

(c) Parmi les lucioles

En salles le 18 octobre prochain via KMBO.

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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