(Critique) Linda veut du poulet ! de Chiara Malta et Sébastien Laudenbach

En voilà une magnifique proposition de cinéma ! Il y a des projets que l’on attend et qui nous déçoivent quelque peu, il y a aussi les entreprises cinématographiques qui nous intriguent et nous touchent mais il y a également des œuvres inattendues qui embrassent pleinement leur sujet pour nous cueillir sans prévenir. Même si l’obtention du Cristal du long-métrage au Festival d’animation d’Annecy 2023 aurait pu me mettre la puce à l’oreille, j’ai été totalement embarqué dans cette aventure faussement quotidienne pour une séance des plus réjouissantes que vous devez absolument vous offrir en famille ! Linda veut du poulet ! est l’alliance étonnante d’une imagerie atypique à l’émotion vive d’une galerie de personnages passionnants. Un menu cinq étoiles qu’il est important de s’offrir en ces temps moroses !

Résumé : Non, ce n’est pas Linda qui a pris la bague de sa mère Paulette ! Cette punition est parfaitement injuste !… Et maintenant Paulette ferait tout pour se faire pardonner, même un poulet aux poivrons, elle qui ne sait pas cuisiner. Mais comment trouver un poulet un jour de grève générale ?… De poulailler en camion de pastèques, de flicaille zélée en routier allergique, de mémé en inondation, Paulette et sa fille partiront en quête du poulet, entraînant toute la « bande à Linda » et finalement tout le quartier. Mais Linda ne sait pas que ce poulet, jadis si bien cuisiné par son père, est la clef de son souvenir perdu… Au fait, quelqu’un sait tuer un poulet ?…

(c) Gebeka Films

La séquence introductive donne le ton en associant une partition musicale synthétique et les premières « bulles » de vie colorées de Linda à l’écran, qui seront alors le fil rouge d’une histoire où les formes et les choses ne s’éternisent pas dans les lignes. On comprend alors bien vite que l’esthétique mouvante et colorée du film en est sa première force : pléthorique, l’animation relance constamment l’intérêt pour le film, à l’image d’une séquence nocturne en voiture qui offre des trésors d’animation dans la contemplation. Sébastien Laudenbach avait déjà proposé une esthétique esquissée dans La jeune fille sans mains mais pour ce nouveau film, en collaboration avec Chiara Malta, les contours sont plus affirmés et la proposition plus grand public.

Au même titre que les couleurs déterminantes de l’imagerie du film nous cueillent avec poésie, les caractères audacieusement définis des personnages principaux ou secondaires nous captivent. Pétris d’émotions et de caractéristiques réalistes, ces êtres de fiction nous touchent autant qu’ils servent l’intrigue, qu’il s’agisse d’Astrid, la tante de l’héroïne, tiraillée entre ses cours de yoga et l’inévitable exaspération provoquée par sa sœur, ou bien d’un jeune policier, incertain mais inévitablement maladroit. La palette de personnages offerte par le récit est un régal, d’autant plus qu’elle sert un propos on ne peut plus actuel qui saura parler à tous les publics. Les enfants s’éprennent de la requête de Linda tandis que les plus grands s’émeuvent de la persévérance d’une mère aimante.

En effet, le sous-texte vindicatif finit de convaincre les plus grands des spectateurs : après tout, n’est-il pas question de grève et de solidarité au coeur d’une cité dans cette course au poulet ? En filigrane, la cause animale est aussi traitée puisque les personnages ont bien du mal à se charger de la mise à mort de l’animal au coeur de toutes les attentions. Si le film déborde de couleurs et de mouvements, il n’en demeure pas moins profondément réaliste dans les messages qu’il construit. Seule ombre au tableau ? Les séquences musicales constituant peut-être l’élément le moins pertinent du métrage. Elles participent à la diversité du projet, comme le titre sur les bonbons de la tante de Linda (« Les bonbons d’Astrid »), mais elles détonnent quelque peu avec l’exigence narrative de l’histoire.

(c) Gebeka Films

Comme un cercle, le film s’achève comme il a commencé, dans l’évocation géométrique et les souvenirs… C’est alors que le thème musical subtilement entendu tout au long du film prend définitivement vie par la douce et enivrante voix de Juliette Armanet fredonnant le « souvenir ou deux » au coeur du projet. On reste alors dans la salle tout au long du générique avec le vif sentiment d’avoir découvert une œuvre importante de la production made in France.

Bref, voici venir une vraie perle d’animation qui se révèle fougueuse dans son récit tout comme dans son animation. Lina veut du poulet ! peut se targuer d’être une histoire universelle dans laquelle le deuil est surmonté par un élan collectif salvateur, aussi touchant qu’enivrant ! C’est drôle, c’est enlevé et c’est touchant, alors foncez en salles pour le (re)découvrir au plus vite !

(c) Gebeka Films

En salles depuis le 18 octobre via Gebeka Films.

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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