(Sortie vidéo) Millennium actress de Satoshi Kon

Il y a des artistes qui ont su marquer durablement le septième art en peu de films : Satoshi Kon est de ceux-là. Parti trop tôt à l’age de quarante-six ans en 2010, il nous a laissé quelques œuvres fondamentales à l’image de l’insaissisable Millennium actress remis à l’honneur par Septième Factory en ce mois de décembre 2020 via une édition haute-définition très attendue. Sorti en 2001, son second long-métrage n’est pas loin du chef d’oeuvre intemporel tant il mêle avec fougue et passion l’Histoire cinématographique à l’histoire intime d’une actrice. 

Résumé : Lorsque les prestigieux studios de cinéma Ginei font faillite, une chaîne de télévision commande un documentaire et mandate deux journalistes pour retrouver et interviewer Chiyoko Fujiwara. Celle qui fut une des grandes stars de la Ginei, et qui vit recluse chez elle depuis trente ans, accepte la proposition et se lance dans le récit de sa vie… Une vie mêlant récit intime et récits filmiques. 

(c) 2001 Millennium Actress Production Committee

Ovni cinématographique, Millennium actress est une œuvre tournée vers le cinéma et l’essence même des sentiments. Alors qu’un cinéaste rencontre une actrice recluse chez elle, les flash-backs de la star d’hier se mêlent aux tournages sur lesquels elle a officié. Dédale de souvenirs et de tournages divers, le long-métrage nippon est autant une quête de soi qu’une retrospective du cinéma japonais. Parcourant les mouvances du 7ème art, des films de samouraïs aux œuvres spatiales, le film est une lettre d’amour incessante au genre qu’il honore avec affection. Mise en abyme passionnante, il peut compter sur la présence du cinéaste, caméra à l’épaule, pour se métaboliser à l’écran tout au long des souvenirs cinématographiques de l’interviewée.

La quête perpétuelle de la jeune actrice (mise en lumière par la roue implacable du destin, hantant l’héroïne) pour retrouver l’être énigmatique qui lui a offert une clef mystérieuse s’accompagne d’une réalisation fougueuse. On ne peut alors s’empêcher de penser à la séquence tonitruante en milieu de métrage, merveilleusement soutenue par la musique de Susumu Hirasawa, au cours de laquelle l’héroïne traverse les ères nippones (brillamment suggérées par l’évolution des moyens de locomotion de la jeune fille, du cheval au vélo). Film à l’originalité folle, Millennium actress ne cesse de surprendre son spectateur sans jamais vraiment le perdre. En usant fréquemment de la surimpression, le réalisateur mêle explicitement les époques, les souvenirs et les émotions des personnages jusqu’au final forcément émouvant où la métaphore de l’envol stellaire a toute sa place.

En somme, Millennium actress n’est probablement pas l’oeuvre la plus célèbre de son auteur mais elle mérite pourtant toute notre attention tant elle s’affranchit des conventions pour célébrer le cinéma et ses acteurs profondément investis. Une oeuvre faite d’émotions et de fulgurances capables d’attiser la fascination.

EDITION VIDEO

L’éditeur vidéo (Septième Factory) nous a fait parvenir l’édition haute-définition du remaster 4K, au cœur de cette ressortie tant attendue. Sublimement mise en valeur par un steelbook rougeoyant, l’édition est très soignée et offre un écrin bienvenue à la beauté qu’incarne le film. 

La copie a été visionnée sur un écran OLED 4K, comme de coutume pour nos tests.

Image & son : on ne peut que saluer l’arrivée d’une édition haute-définition (1080p) du film de Satoshi Kon (à défaut d’accéder à une édition ultra-haute-définition du film qui, elle, sera disponible aux USA). Dans l’ensemble, l’image est de très bonne qualité et rend honneur à l’imagerie multiple du film. Cependant, on peut parfois regretter l’apparat un peu pâle de certaines scènes, notamment les blancs du film qui manquent de vigueur tandis que les noirs sont globalement bien traités et bien définis (exemple parmi tant d’autres : le court détour par la case prison de la jeune héroïne). En cause, l’abondance de bonus conséquents (voir ci-dessous) sur la galette qui laisse peu de place à l’excellence du transfert vidéo.

Sur le plan sonore, ce ne sont pas moins de quatre pistes qui composent cette édition fournie (en DTS-HD Master Audio 2.0 ou 5.1). Deux pistes françaises et deux pistes en version originale (sous-titres inclus). Un mixage vraiment agréable sur les deux pistes même si la VF est un peu en retrait et que la remasterisation n’est pas la plus aboutie sur cette piste francophone. En même temps, l’on ne peut que vous conseiller de privilégier la version originale pour découvrir le film dans les meilleures conditions possibles !

Interactivités : une vraie édition digne de ce nom attend les acquéreurs de ce steelbook. Même si ces bonus ne sont pas inédits, ils sont bienvenus sur cette édition qui se veut riche en informations sur le film qu’il met à l’honneur. Evidemment, les trois entretiens sont proposés en Vostfr.  

Interview de Taro Maki (8min30) : le producteur du film revient rapidement sur différents aspects de la création de Millennium actress.

Interview de Masao Maruyama (32min26) : approfondissement des éléments abordés par Taro Maki dans la featurette précédente. Avec un entretien aussi long, on ne peut qu’apprécier ce très beau bonus riche en anecdotes passionnantes.

Making-of avec interview de Satoshi Kon (40min) : une vidéo capitale pour la compréhension du film (même si la longueur de celle-ci gangrène forcément une grande place sur le disque). De plus, il est toujours appréciable d’écouter à nouveau le maître d’oeuvre parler de sa production. Qui de mieux que le capitaine à la barre du projet pour en détailler les plus riches aspects ?

Millennium actress a bientôt 20 ans mais le film reste d’une modernité affolante. Autant vous dire que cette édition concoctée par Septième Factory est un must-have pour tous les fans du réalisateur japonais (mais aussi pour ceux qui ne le connaissent pas encore!) Même si l’on peut regretter l’absence d’une galette 4K, il faut saluer l’investissement de l’éditeur Septième Factory qui signe là sa deuxième sortie d’animé après Ronja, fille de brigands en septembre dernier.

Si vous avez un cadeau de Noël de dernière minute à faire pour un cinéphile, c’est LE cadeau parfait ! 

(c) 2001 Millennium Actress Production Committee

Article rédigé par Nathan

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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