(Sortie vidéo) Petit vampire de Joann Sfar

Malheureusement sorti juste avant la fermeture des salles françaises, le long-métrage Petit vampire de Joann Sfar n’a pas eu la carrière que l’on attendait de lui. Contraint de finalement vivre une sortie plus intime en vidéo et VOD, le petit être fantastique s’offre à nous avec plaisir. Aventure charmante et humaniste (un comble, pour un film avec des protagonistes décédés), parée de l’esthétique si atypique de son auteur d’origine, Petit vampire emmène ses spectateurs 1h15 durant.

Résumé : Petit Vampire vit dans une maison hantée avec une joyeuse bande de monstres, mais il s’ennuie terriblement… Cela fait maintenant 300 ans qu’il a 10 ans, alors les bateaux de pirates, et le cinéclub, ça fait bien longtemps que ça ne l’amuse plus. Son rêve ? Aller à l’école pour se faire des copains. Mais ses parents ne l’entendent pas de cette oreille, le monde extérieur est bien trop dangereux. Accompagné par Fantomate, son fidèle bouledogue, Petit Vampire s’échappe du manoir en cachette, déterminé à rencontrer d’autres enfants.

(c) 2020 – Joann Sfar’s Magical society – Studiocanal

De son origin story à sa rencontre avec l’orphelin Michel, la première incursion du petit vampire de Sfar sur grand écran retrace les grandes lignes de son histoire. Petit héros à la grande détermination (on ne peut qu’apprécier ses réparties assurément mâtures), adulte dans un corps d’enfant (après tout, il a plus de 300 ans!), Petit vampire incarne à merveille l’univers faussement enfantin de son créateur. Particulièrement drôle sans être bête, même si la seconde partie du film cède parfois un peu plus aux blagues faciles avec l’arrivée de Michel, le long-métrage français emporte facilement l’adhésion de son public pour conter une aventure sans temps mort. Avec soixante-quinze minutes au compteur et sa palette improbable de personnages délurés, le film est un train fantôme à l’onirisme imparable qui ne lésine pas sur les innombrables dialogues pour maintenir notre attention avec férocité.

Au gré de décors magnifiques, des personnages au style sfarien indéniable partent en quête d’existence. Auréolé d’un lot de références bien senties au cinéma, et notamment au genre du film de « monstres » (on ne compte plus les affiches et autres répliques se référant à Frankenstein ou à Dracula), le scénario s’amuse des clichés habituels, en réinventant par exemple les célèbres contrats faustiens à travers des êtres humains métamorphosés en subalternes insectisés. Hilarants petits êtres servant l’antagoniste de service (au design inspiré mais aux motivations fébriles), ils enfoncent le clou d’une production résolument tournée vers la comédie. Si l’on excepte une résolution un brin convenue, mais fréquemment convoquée par les productions animées, Petit vampire est une aventure aussi drôle qu’inventive sur le plan graphique qui a de quoi ravir tous les publics. 

Fort d’un propos touchant, sur la normalité anormale (après tout, qu’est-ce qu’être « normal » ?), le récit peut compter sur ses personnages hauts en couleur (et en voix investies, même si le timbre de Jean-Paul Rouve peine à se faire oublier à l’inverse de celui de Camille Cottin qui sert à merveille le personnage de Pandora, ou celui de Quentin Faure, terriblement drôle avec son accent chantant dans le corps de Fantomate) et ses clins d’oeil méta (lors d’une partie de « cache-cache peintures », le vampire et ses amis traversent des œuvres connues, à l’image d’une scène de Gainsbourg, vie héroïque de Joann Sfar) pour définitivement nous plaire. Une belle séance que nous aurions aimé partager en salles…

Le constat est donc sans appel, Petit vampire est encore une belle proposition cinématographique de Joann Sfar et son équipe. Si l’on n’atteint jamais vraiment la mâturité scénaristique du Chat du rabbin, ce nouveau long-métrage est un beau divertissement pour toute la famille qui aurait mérité une vraie carrière en salles… mais la pandémie en aura décidé autrement. 

(c) 2020 – Joann Sfar’s Magical society – Studiocanal

Le film sortira le 14 avril prochain en DVD, Bluray et VOD via Studiocanal et les galettes vidéos contiendront deux bonus fort à propos : 

– Dans les coulisses du film (2’48) : une plongée trop rapide dans la création du film en suivant les étapes suivantes : bande dessinée, personnages (des esquisses et autres images de recherches qui passent à toute allure), story-board, les personnages prennent vie (étape préparatoire des scènes en live avec des acteurs incarnant les personnages qui seront animés par la suite), doublage, bruitage et animation. Un véritable making of aurait eu toute sa place ici et aurait permis d’approfondir certains éléments seulement entraperçus…

– Rencontre avec Joann Sfar (10′) : un entretien entrecoupé de scènes du film (comme de coutume). L’occasion pour lui d’aborder de nombreux éléments signifiants à l’origine de son film : liens entre le fait d’être un auteur de bande dessinée et celui d’être réalisateur (notamment l’apport du jeu en présence d’acteurs, avant l’animation). Le rassemblement d’acteurs très différents dans une même production grâce à l’animation mais également la présence accrue du verbal dans le film (différents accents, paroles enchaînées, etc.)

Il aborde aussi le travail particulier sur la bande originale et ses accents méditerranéens (pour s’éloigner des conventions burtoniennes du genre) avant d’approfondir la dimension un peu autobiographique du film, notamment au sujet de la vie en tant qu’orphelin. Enfin, il conclue son propos en partageant son admiration pour les studios Pixar et américains.

De quoi prolonger le plaisir ressenti lors de la découverte du film tout en approfondissant notre compréhension du film, même s’il est évident que la pandémie a dû freiner la création de véritables featurettes en présentiel.

(c) 2020 – Joann Sfar’s Magical society – Studiocanal

Article rédigé par Nathan (Instagram)

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

Laisser une réponse:

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Site Footer