(Sortie vidéo) Rock-o-rico de Don Bluth

Un an après la sortie en digipack collector de l’émouvant Fievel et le nouveau monde, l’éditeur vidéo Rimini Éditions récidive avec le catalogue de Don Bluth en nous offrant le plus méconnu Rock-o-Rico, œuvre pétulante d’un réalisateur resté dans l’ombre des productions Disney, pour la première fois en haute-définition sur le sol français. Ne connaissant pas l’œuvre, j’en ai profité pour en faire une critique un brin subjective qui ne reflétera sûrement pas l’avis de ceux l’ayant découverte au début des années 90. En une heure de temps, le scénario brasse une large palette de personnages et mène tambour battant une intrigue surprenante.

Résumé : Chantecler, le coq le plus rock des fifties, a oublié de chanter un matin, mais le soleil s’est quand même levé. Ridiculisé, il quitte la ferme, à la grande joie de Grand Duc le hibou, qui va bientôt pouvoir faire régner les ténèbres éternelles. Il faut que Chantecler revienne !

(c) Rimini Editions / Don Bluth

On a connu Don Bluth plus percutant (et ordonné). Rock-o-rico se révèle si énergique qu’il en oublie l’émotion vive pourtant chère à l’esprit de l’homme à la barre des crève-coeurs que sont Fievel, Le petit dinosaure ou Anastasia. De ci de là quelques séquences plus sombres nous rappellent que nous avons affaire au père du souriceau voyageur mais elles se noient dans les péripéties plus hystériques du film. En adaptant librement un écrit d’Edmond Rostand, l’équipe propose une aventure débridée qui fleure bon les années 90 et ses récits satiriques sur le star-system. Le long-métrage est une caricature explicite du monde du spectacle avec l’impresario véreux qui exploite le coq Chantecler ou sa co-vedette, Goldie, traditionnelle agent double qui s’éprend du héros. On nage en plein hommage permettant ainsi au film de s’adresser à tous.

Au-delà de son récit abondant, le film comprend aussi un foisonnement créatif qui le rend fascinant même si on le découvre en 2022. En mêlant prises de vues réelles et personnages animés, la mise en scène étonne (et déçoit en de rares occasions lorsque les incrustations se révèlent hasardeuses comme dans la célébration finale) au même titre que ses intrigues. On part d’un élément perturbateur fort étrange (Chantecler ne claironnant pas pour l’apparition du soleil, le monde est plongé dans la grisaille orchestrée par un Grand duc maléfique). Cet antagoniste est une menace de taille et la réalisation lui confère une aura malveillante quasi disneyienne mais le scénario emprunte des chemins si surprenants qu’ils en deviennent invraisemblables jusqu’au climax narratif, improbable au possible. En mixant de la sorcellerie, du rock’n’roll et une fable animalière, la narration se perd et la demi-mesure disparaît. On constate alors à quel point le monde de l’animation a changé en une trentaine d’années…

(c) Rimini Editions / Don Bluth

Pétrie de bonnes intentions, l’histoire du film suit les aventures entre ville et champs d’une bande d’animaux volontaires en quête d’un être désabusé (serait-ce une métaphore du parcours du réalisateur en personne ?) La bande originale aux accents rocks, pour aller de pair avec l’esthétique Las Vegas du coeur du film, sied bien au crooner qu’est Chantecler. En VF, Eddy Mitchell donne de la voix pour animer le coq désenchanté. En mélangeant tous les styles chers au film d’animation pour enfants, Rock-o-rico déploie une palette d’atouts indéniables : qu’il s’agisse de l’atout comique qu’est Doron, le neveu farceur du Grand Duc, ou des scènes d’action qui emplissent le récit, à l’image d’une course poursuite en voiture dans le dernier tiers du film. A vrai dire, le bât blesse sûrement sur le caractère expéditif du film : en une heure de temps, le film déborde de personnages, d’univers et d’action à en perdre la tête.

Vous l’aurez compris, Rock-o-Rico n’est objectivement pas le meilleur film de Don Bluth. Œuvre mineure de son réalisateur, le long-métrage peut tout de même compter sur ses saveurs nostalgiques qui le rendent attachant, d’autant plus que ses graphismes ont plutôt bien vieilli mais le récit conté par l’équipe créative ne convainc qu’en partie. La ressortie du film en blu-ray est l’occasion rêvée de le (re)découvrir en famille et de célébrer une filmographie éclectique !

EDITION VIDEO

Le film débarque en édition collector (DVD + Bluray) ce 6 avril 2022 via Rimini Editions et nous vous proposons de revenir sur l’édition haute-définition du film. Vendue dans un boîtier au format DVD, elle comprend également un fourreau parachevant le soin apporté à l’édition.

Comme de coutume, nous avons visionné cette édition sur un écran OLED 4K.

Image & son : depuis le temps que nous attendions cela ! Rares sont les films de Don Bluth n’ayant pas eu le droit à une édition haute-définition jusque-là mais Rock-o-rico était de ceux-là. Dorénavant, l’erreur est réparée grâce à Rimini Editions qui nous proposent un transfert de qualité honorant l’esthétique exubérante du film. Les couleurs sont bien retranscrites même si certains plans (assez rares) semblent un peu pâles et le film profite enfin d’une image digne de ce nom (quitte à ce qu’elle souligne les défauts créatifs, à l’image d’incrustations perfectibles). Le transfert subit également la présence (parcimonieuse) de grain, mais cela va avec le charme nostalgique du film.

Du côté du son, vous profiterez de deux pistes (française et originale) en DTS-HD Master Audio 2.0 : on a connu mieux pour les deux pistes qui sonnent un peu datées, mais les voix sont mieux mixées dans la piste originale (en plus de profiter d’un casting plus adapté). Eddy Mitchell fait le boulot mais il est parfois difficile de cerner tout ce qu’il dit.

Interactivité : un bonus exclusif sous la forme d’un entretien de Xavier Kawa-Topor (que l’on ne présente plus) de 25 minutes entrecoupé d’extraits du film. Il aborde notamment la genèse du film (rendue difficile par l’échec de Charlie, mon héros, précédente production du réalisateur) et ses thématiques. Il s’agit là d’un entretien passionnant qui permet d’entrer pleinement dans les tenants et les aboutissants du film (comme cela était déjà le cas pour le précédent film Don Bluth distribué par Rimini Editions). On aimerait découvrir plus souvent ce genre de retour analytique sur les productions animées.

Vous retrouverez également quatre cartes postales (photogrammes) du film dans le boîtier (comme cela était déjà le cas pour Fievel et le nouveau monde). Un ajout plein de charme pour les collectionneurs que nous sommes !

(c) Rimini Editions / Don Bluth

Au final, tout fan des œuvres nostalgiques et empreintes de noirceur de Don Bluth se doit d’acquérir cette étrangeté animée pour compléter sa collection. Si l’édition est un tantinet moins aboutie que celle de Fievel (on doit faire le deuil du digipack), elle permet de mettre en évidence une œuvre moins diffusée du maître dans un beau transfert. On attend désormais de pied ferme Charlie, mon héros qui pointera le bout de son nez en juillet d’après le distributeur.

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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