(Test vidéo) Ronja, fille de brigand de Goro Miyazaki

Il aura fallu attendre cinq ans avant de voir débarquer la série animée des studios Ghibli, chapeautée par le non moins réputé Goro Miyazaki, en vidéo sur le sol français. Même s’il n’a jamais vraiment réussi à atteindre la maîtrise de son père au fil de ses productions au long cours (Les Contes de Terremer ou même La Colline aux coquelicots), force est de constater qu’il n’en démord pas et qu’il poursuit son chemin, par le biais d’une série animée à l’unique saison. Grâce à l’éditeur vidéo Septième Factory, les fans français du studio nippon ont enfin l’occasion de découvrir la première série du réalisateur, dans de bonnes conditions. Aventure enfantine sur fond d’écologie (peut-il en être autrement de la part du studio?), Ronja, fille de brigand s’adresse principalement aux plus jeunes sans pour autant lésiner sur un certain charme graphique. L’animation 3D a fait couler beaucoup d’encre mais il va falloir s’y faire car le nouveau long-métrage du réalisateur (Aya et la sorcière) sera également en images de synthèse… 

Résumé : Ronya et Birk, deux enfants, issus de deux bandes de brigands rivales, vont se lier d’amitié.

(c) Studio Ghibli

La force des studios Ghibli a toujours été de parler à l’enfant en chacun de nous sans restreindre ses propos filmiques à des aventures exclusivement juvéniles. Quelle fut alors notre surprise en découvrant cette série un brin naïve, auréolée d’un générique kitsch au possible. Composé de vingt-six épisodes, le show télévisé en fait parfois trop en s’étirant trop longuement sur des situations anecdotiques (chaque étape initiatique de la jeune héroïne s’étale sur plusieurs épisodes, à l’image de sa découverte de la forêt avoisinante). On se prend à rêver du même récit condensé sur treize épisodes, ce qui aurait permis une construction plus enlevée d’autant plus que les épisodes se clôturent souvent au beau milieu d’une aventure, dans une tentative grossière de faire des cliffhangers avec peu de choses. Ennui poli, ou divertissement ciblé, Ronja, fille de brigand peut pourtant compter sur ses sublimes décors pour intéresser un large public. 

Malgré une animation en images de synthèse modérément appréciable, les décors sont magnifiques (la forêt est fréquemment auréolée de plans soignés) et finalement, au fil des épisodes, la raideur des personnages en 3D se fait oublier : à titre d’exemple, lorsqu’elle est bébé, Ronja est animée très mécaniquement. L’univers graphique de la série est d’autant plus réussi que la réalisation délivre parfois de très belles images. Exemple parmi tant d’autres, la scène où Ronja se hisse sur une pierre verdoyante dans une prise de vue en plongée au beau milieu de la saison est de toute beauté. Clairement, la série nippone aurait gagné à être resserrée tout en faisant davantage confiance à son public, sans recourir inlassablement à une voix off sur-explicite pour résumer chaque épisode. A trop vouloir s’adresser aux plus jeunes, l’équipe créative fait de la répétition une figure cinématographique lassante pour les autres spectateurs. On ne compte plus les attaques de harpies humanoïdes et les attaques de brigands sur un unique sentier…

Manquant cruellement de diversité sur tous les plans, qu’il s’agisse des décors, des personnages ou de la musique irritante, Ronja, fille de brigand se montre néanmoins plus fougueuse dans sa deuxième partie de saison. Tournée vers l’extérieur du château et plus mâture, l’aventure de Ronja et son ami Birk (la série est une sorte de Roméo et Juliette pour enfants, sans l’issue tragique) surprend alors davantage avec quelques accents plus violents et un propos plus consistant sur les relations familiales et les rapports entre l’humain et la nature. Sans jamais être aussi ambitieuse que les longs-métrages du studio (on aurait adoré que le scénario embrasse davantage la dimension fantastique et onirique de la forêt merveilleuse) la série se découvre alors sans déplaisir malgré son rythme lénifiant, jusqu’à l’épisode final rempli d’émotions. Sobrement intitulé « Le passage des saisons », l’ultime aventure de Ronja est douloureusement nécessaire. Parachevée dans une fin ouverte sur l’avenir, la série se termine mieux qu’elle n’a commencé. 

En somme, Ronja, fille de brigand n’est pas une série qui révolutionne le genre, loin de là. Structurée autour de motifs répétitifs et de personnages faisant de l’exagération leur leitmotiv, elle plaira avant tout aux jeunes enfants (qu’elle fera rire et pleurer avec efficacité) même si elle peut compter sur son esthétique soignée pour plaire aux fans de la première heure du studio. Mention honorable…

(c) Studio Ghibli / Septième Factory

ÉDITION VIDÉO

L’éditeur vidéo (Septième Factory) nous a fait parvenir l’édition collector du film (un coffret de toute beauté). La copie a été visionnée sur un écran OLED 4K, comme de coutume pour nos tests. A savoir que la série est également disponible en coffret prestige (la série complète en DVD) ou en DVD unitaires (en quatre disques).

Image & son : à l’heure où les éditions en haute-définition des productions animées se font de plus en plus rares, on ne peut que saluer l’effort fourni par l’éditeur vidéo pour proposer la série sur de nombreux supports. Les disques Blu-ray sont soignés et sérigraphiés et l’on peut compter sur une image nette célébrant à merveille la palette verdoyante et colorée de la série de Goro Miyazaki pour nous émerveiller. Les personnages et les animaux modélisés en 3D manquent parfois de précision et semblent un peu pâles mais c’est un menu détail face à une image si éclatante (les tons verts sont à l’honneur car la série célèbre l’onirisme de la nature). 

Les DVD sont évidemment moins précis, moins éloquents pour restituer les incroyables couleurs de la série, mais ils conviendront aux cinéphiles les moins équipés. Si la série vous fait de l’oeil, on ne peut que vous conseiller de vous procurer l’édition collector et ses disques haute-définition.

Du côté du son, les disques haute-définition proposent une piste unique en Français DTS-HD Master Audio 2.0. Si l’absence d’une piste en VO sous-titrée français est préjudiciable, lorsque l’on découvre les épisodes on comprend mieux le choix de l’éditeur. Le récit est majoritairement enfantin et risque d’ennuyer les plus grands. Septième Factory étant un petit éditeur pour l’instant, les frais liés au sous-titrage étaient trop importants (et cela peut se comprendre).  

Par ailleurs, le mixage sonore est parfois surprenant : les bruits de fond (comme l’eau de la forêt) sont souvent atténués lorsque les dialogues surgissent. En résulte une étrange impression d’univers superficiel contrebalançant l’immersion filmique. 

Sur le plan technique, cette édition est donc agréable sans être exempt de défauts.

Interactivités : sorti le 15 septembre dernier, l’édition concoctée par Septième Factory a déclenché les foudres des fans cinéphiles sur les réseaux sociaux. Absente de l’édition (qu’il s’agisse du coffret collector, prestige ou des DVD uniques), la version originale a réveillé la colère des aficionados. A tort ou à raison ? A vous d’en décider ! 

Quoi qu’il en soit, le contenu du coffret collector dont nous proposons ici le test est riche en éléments. 

– 9 disques (4 disques Blu-ray + 4 DVD + un DVD bonus)

– un livret making-of d’une centaine de pages

– une affiche de la série

Et quel livret ! Ouvrage passionnant et conséquent, il mêle des focus sur les studios, le projet d’adaptation, l’auteure originelle (Astrid Lindgren), des fiches sur les personnages et des interviews. De nombreux postes créatifs ont droit de citer dans cet ouvrage essentiel (à destination des plus grands). Un vrai et beau bonus qui répondra à de nombreuses questions. Il s’accompagne d’une affiche picturale de toute beauté représentant Ronja assise au beau milieu de sa forêt bien-aimée (les traits des décors sont esquissés c’est magnifique). 

Quant au disque bonus en DVD, vous retrouverez : 

– Interview de Goro Miyazaki (à noter la présence d’un bandeau bleu qui ne disparaît pas pour les sous-titres et qui peut se révéler gênant) : le réalisateur revient sur la place importante de la femme au sein de la série mais également sur ses regrets créatifs. L’entretien dure 11 minutes et a le mérite d’aborder des éléments inattendus. 

– Conférence de presse (5min) : quelques éléments constitutifs du projet sont abordés par le réalisateur, les producteurs et les voix originales : le choix si décrié de la 3D est notamment au cœur du propos. 

– Making-of (36min) : le montage laisse à désirer mais le contenu est conséquent ! Retour sur les étapes d’animation mais également sur le projet dans son ensemble au fil d’échanges avec l’équipe créative. Une réflexion sur les larmes des personnages est notamment pleine de sens (à l’image du déversement lacrymal du père de Ronja dans le dernier épisode). Il est dommage que les extraits insérés de la série soient muets… Le choix est surprenant !

Vous l’aurez compris, si la série en elle-même a pu nous laisser sur notre faim à cause de son public trop ciblé, le coffret, quant à lui, est très soigné et comprend son lot de bonus passionnants ! Merci Septième Factory pour ce bel objet !

Article rédigé par Nathan

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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