(Chronique) Arrietty, le petit monde des chapardeurs de Mary Norton

Plonger dans l’oeuvre ayant fortement inspiré le très beau film des studios Ghibli est un voyage en terrain connu mais un voyage décuplant l’émotion ressentie lors de la séance de cinéma. Publié chez Ynnis Editions (qui honore décidément comme il se doit le catalogue Ghibli), ce roman de 1952 s’étalant sur plus de 200 pages s’adresse à un large public grâce à une histoire émouvante et trépidante et des thèmes toujours aussi actuels, malgré les années accusées par l’ouvrage. Un roman féministe et moderne qui ressort enfin après tant d’années dans l’ombre : une belle occasion de le (re)découvrir et de le mettre en parallèle avec son adaptation filmique.

Les spectateurs du film de Hiromasa Yonebayashi (sorti en 2010 en salles) ne seront pas surpris par les bifurcations narratives de cette famille de « chapardeurs » (petits êtres humanoïdes ayant la taille d’insectes et vivant cachés pour éviter les dangers de la nature et des Hommes) mais les émotions et les pensées des personnages sont évidemment développés davantage (notamment pour les personnages secondaires là où Arrietty vole la vedette dans le film). Même si le fil narratif demeure pratiquement identique au film, à quelques personnages près, l’histoire d’Arietty et de sa famille est contée par un personnage extérieur dans le roman de Mary Norton (une personne âgée racontant les aventures de son petit frère, protagoniste du récit encadré, à une jeune fille curieuse). L’apport de ce récit encadrant permet d’amplifier les mystères entourant ces personnages et leur sort alors que les dangers humains mettent en péril l’harmonie et le foyer d’Homily, Pod et leur fille. Si l’histoire est un peu longue à démarrer (plusieurs dizaines de pages pour installer les protagonistes et le décor champêtre), dès lors qu’Arrietty est initiée à l’art du chapardage par son père, sa soif de curiosité et d’apprentissage s’empare de l’histoire. 

(c) The Walt Disney Company France

Héroïne fougueuse, courageuse et altruiste, Arrietty se lie d’amitié avec un jeune humain en convalescence dans la demeure de campagne dans laquelle résident la chapardeuse et sa famille. Alors que sa famille craint le danger encouru par cette rencontre fortuite avec un « grand » être (« hêtre » dans le livre), la jeune fille y voit une manière d’en apprendre plus sur le monde qui l’entoure. La relation naissante entre les deux personnages, et les apprentissages réciproques qui en découlent, constituent l’une des thématiques fortes de cette histoire, une thématique d’actualité : le consumérisme – après tout, les humains, tout comme Homily, la mère d’Arrietty, aimeraient en avoir toujours plus, quitte à fragiliser le rapport avec la nature. C’est aussi par l’engagement permanent d’Arrietty que le livre de Mary Norton est profondément moderne, tout comme le film qu’il a inspiré, puisqu’elle est l’une des premières femmes de la communauté des chapardeurs à oser partir à l’aventure, cela étant jusque-là réservé aux hommes.

Alors même si toute cette histoire est cousue de fil blanc (y compris pour ceux qui n’auraient pas vu le long-métrage d’animation), on prend plaisir à suivre les pérégrinations de ces petits personnages dans une ambiance quelque peu surannée de campagne au XXème siècle. Le dernier quart du récit réserve son lot de rebondissements et de mystères pour maintenir notre intérêt jusqu’à la dernière page… et les prochains tomes ? Le petit monde des chapardeurs se poursuit effectivement dans quatre autres romans et une nouvelle, mais Ynnis Editions poursuivront-ils la republication de cette série ?

C’est donc avec un réel plaisir que l’on replonge dans l’univers teinté de fantaisie imaginé par Mary Norton. Malgré le poids des années (cette histoire a plus de 70 ans !), l’amusante histoire des chapardeurs garde toute sa fraicheur grâce à des thèmes actuels et une histoire trépidante, surtout dans sa deuxième moitié. Premier opus d’une saga d’ouvrages sur Arrietty Horloge et les chapardeurs, ce roman est une belle entrée en matière qui plaira autant aux adolescents qu’aux adultes ! 

L’ouvrage est disponible sur le site de l’éditeur, en cliquant ici !

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

Laisser une réponse:

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Site Footer