(Critique) Inspecteur Sun et la malédiction de la veuve noire de Julio Soto Gurpide

Bonne nouvelle : Julio Soto Gurpide ne sera désormais plus réduit à son premier long-métrage animé (Deep) sorti en 2017 et qui nous avait laissés sur notre faim (et c’est un euphémisme). Après son passage en sélection au Festival d’animation d’Annecy en juin 2023, le fort divertissant Inspecteur Sun et la malédiction de la veuve noire débarque en salles françaises via Alba Films. En pastichant les whodunits et les films d’espionnage old-school, cette production espagnole est astucieusement efficace même si ses ambitions se frottent parfois aux impératifs du divertissement calibré. Une chose est sûre, les enfants ont désormais leur Hercule Poirot !

Résumé : Inspecteur Sun, célébrissime araignée détective, embarque dans un hydravion pour San Francisco après avoir enfin capturé son ennemi juré, le Criquet Rouge. Pendant le vol, le meurtre du Docteur Bugsy Epinestone l’entraîne dans une nouvelle enquête au cœur d’un complot qui menace à la fois le monde des humains et celui des insectes.

Copyright 2022 The Thinklab Media, S.L. Gordon Box A.I.E

Ce pastiche délicieux des films d’enquête old school nous propose de rencontrer un inspecteur terriblement maladroit mais qui parvient à ses fins, notamment en enfermant son ennemi juré dans une introduction in media res fort convaincante. En jouant du décalage entre le gigantisme des humains et le mimétisme des insectes au sein du cadre filmique, la mise en scène du film de Julio Soto Gurpide se révèle pertinente, du moins en début de métrage. Auréolée de musiques aux accents jazzy et de personnages bien définis, cette introduction est des plus prometteuses, d’autant plus que l’animation 3D étonne. Un peu en retrait sur les films à grand budget, Inspecteur Sun et la malédiction de la veuve noire propose néanmoins des décors soignés, de Shanghai à San Francisco, cette dernière étant le théâtre du climax du film.

La magie des premiers instants s’étiole déjà avec l’arrivée d’une araignée sauteuse irritante : Janet, mais l’enquête et ses charmes perdurent et l’on se prend à déjouer les apparences pour percer à jour le complot qui se trame dans l’avion qu’est le théâtre du récit. Un véritable jeu du chat et de la souris se met en place entre l’inspecteur arachnéen et Arabella, le stéréotype de la femme fatale du film noir. On est dans un pastiche classique dans lequel le détective doit composer avec les démons de son passé – en l’occurence, la perte de sa femme – mais cela fonctionne avec réjouissance tout en ne perdant jamais de vue le public auquel il s’adresse. Au rang des réussites, on retrouve aussi d’inévitables twists et trahisons, propres au genre auquel le film rend hommage. Le scénario va même jusqu’à rassembler tous les convives de l’appareil pour les explications attendues de l’inspecteur à l’issue du deuxième acte : on nage en plein whodunit !

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Inspecteur Sun et la malédiction de la veuve noire a beau accuser de sacrés défauts, au premier rang desquels on retrouve un dernier acte plus porté sur l’action que sur l’enquête pourtant plus originale, il comporte un capital sympathie évident. C’est en s’attardant sur les spécificités de ses personnages insectoïdes que le film ravit son public, à l’image d’un repas drôle à souhait à base de « crottes à la française » et autres mets repoussants tant appréciés par les insectes ou bien d’une rencontre avec une reine fourmi au character design percutant. On ne peut pas en dire autant de certains autres personnages aux inspirations… insuffisantes. Janet, la jeune associée de l’inspecteur est aussi irritante que son apparence est paresseuse.

Copyright 2022 The Thinklab Media, S.L. Gordon Box A.I.E

Vous l’aurez compris, le second long-métrage de Julio Soto Gurpide est une bonne surprise. Même si l’ensemble demeure modeste, l’enquête se suit avec plaisir et l’humour fait mouche (sans mauvais jeu de mots) pour dérider l’ensemble de la famille. Mieux encore, on ne bouderait pas notre plaisir à l’idée de retrouver Sun (sans Janet) dans une nouvelle enquête qui conserverait sa singularité jusqu’à son terme.

En salles le 20 décembre via Alba Films.

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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