(Critique) Les inséparables de Jérémie Degruson

Après de multiples collaborations au poste de co-réalisateur sur des films nWave Pictures (les deux films Bigfoot notamment), Jérémie Degruson est finalement à la barre de son propre long-métrage avec Les Inséparables, le cru 2023 des studios belges qui ne cessent de surpasser ce dont ils sont capables à chaque nouveau film. Projeté au Festival d’animation d’Annecy en juin dernier, ce nouveau long-métrage nous offre une ré-interprétation contemporaine au coeur de Central Park du mythique récit picaresque Don Quichotte de Cervantès. Un projet osé qui ne réussit pas tout ce qu’il entreprend mais qui témoigne d’un véritable capital sympathie à l’écran.

Résumé : Quand les lumières s’éteignent dans le vieux théâtre de Central Park, les marionnettes prennent vie. Parmi elles, Don, qui joue le même rôle de bouffon depuis des années. Il rêve d’avoir pour une fois un rôle de vrai héros et de découvrir le monde. Il prend son courage à deux mains et claque la porte. En chemin, il croise DJ Doggy Dog, une peluche abandonnée qui aimerait devenir une star du rap. C’est le début d’une extraordinaire histoire d’amitié. Une grande aventure en plein cœur de New York pour transformer leurs rêves en réalité : même les plus petits personnages peuvent jouer de grands rôles !

Copyright 2023 nWave Pictures SRL – OCTOPOLIS SAS – A Contracorriente Films – All Rights Reserved.

Le film s’ouvre sur une citation de John Lennon soulignant l’importance des rêves dans une vie, comme pour aiguiller le spectateur vers l’un des thèmes centraux du projet : l’imagination. Au même titre que l’ouvrage dont il s’inspire, le scénario érige l’imagination au rang des forces sur lesquelles compter pour s’épanouir dans nos vies. En effet, Don, une marionnette chevaleresque, ouvre le film par l’un de ses rêves épiques qui jalonneront l’ensemble du long-métrage. La 3D est auréolée de textures 2D dans ces rêves emplis d’action et de clins d’oeil aux récits de chevalerie mais ce sont les séquences dans le monde réel qui se révèlent les plus agréables à l’oeil. Les équipes de chez nWave Pictures sont en constante progression et les errances graphiques d’hier ne sont plus. Les inséparables est un beau film aux graphismes soignés (même si le character design n’est pas toujours aussi inspiré qu’espéré).

Direction Central Park ! Là où se produisent Don et son équipe de marionnettes et là où ses ambitions chevaleresques se frottent aux cases qu’on lui impose. Son imagination débordante, qui surgit à chaque nouvelle épreuve dans le film (comme lors d’une intéressante course poursuite avec un chien devenu lion par la magie de l’imagination, utilisant les feux de signalisation), est ce qui lui permet d’affronter la réalité et de dépasser le constant rôle de bouffon qu’on le contraint à jouer. L’imagination constitue d’ailleurs le climax solidaire du film, les personnages étant amenés à s’imaginer autre pour vaincre les antagonistes. A dire vrai, c’est par ses élans épiques et ses séquences d’aventure effrénées que le film dépasse ses faiblesses narratives et ses enjeux parfois mesurés. Après tout, les antagonistes sont deux simples canailles adolescentes en quête d’argent facile…

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En bon Don Quichotte contemporain qu’il est, Don devait trouver son Sancho. DJ, une peluche à l’apparence d’un chien (appelé « Didier » par son acolyte d’un jour) incarne le versant plus enfantin du récit. Entre le doublage de Jean-Pascal Zidi (qui parvient à ne pas trop en faire) et l’apparence urbaine du personnage, DJ touchera principalement le jeune public, d’autant plus que sa quête personnelle est moins prenante et surprenante que celle de Don. Il est même à l’origine de séquences musicales anecdotiques, comme celle clôturant le film aux paroles adaptées mais à la musicalité déconstruite. Mais nul doute que ce personnage au character design engageant saura conquérir les coeurs des jeunes spectateurs, d’autant plus qu’il s’entiche d’une famille de ratons laveurs plus mignons les uns que les autres au cours de sa quête.

Au-delà de la quête de nos deux héros mis sur le même chemin par un destin avisé, le long-métrage de Jérémie Degruson s’amuse de clins d’oeil savoureux dans des décors charmants (grâce aux pouvoirs de l’imagination). Au détour d’une séquence au coeur de Times Square, on entraperçoit même l’affiche de Hopper et le hamster des ténèbres 2 sur un écran publicitaire (annonce indirecte ou clin d’oeil humoristique ? L’avenir nous le dira!) Les inséparables n’a manifestement pas la prétention de réinventer des formules bien établies mais il parvient à surprendre au gré de ses séquences imaginées réinventant le réel, qu’il s’agisse d’un combat contre un dragon ou d’une traversée en mer dans laquelle surgissent des lampadaires !

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Vous l’aurez compris, Les inséparables est un charmant divertissement pour accompagner les fêtes de fin d’année. Empli de bons sentiments et d’aventures enthousiasmantes, le film de Jérémie Degruson s’adresse à toute la famille en réinventant l’une des plus grandes histoires de la littérature européenne. Don Quichotte, une histoire plus contemporaine que jamais, à l’heure où l’imagination nous fait grandement défaut ! 

En salles le 13 décembre via KMBO Films.

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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