(Critique) La maison des égarées de Shin’ya Kawatsura

Le mois de juin 2023 abonde en propositions animées mais il comporte son lot de (très) bonnes surprises. Shin’ya Kawatsura nous emmène au Japon, au lendemain des tsunamis en 2011 alors que des familles disloquées avancent avec résilience vers une reconstruction difficile mais nécessaire. Sommet de bienveillance et d’émotion, La maison des égarées est le refuge cinématographique des âmes désorientées qui embrasse pleinement le folklore d’une nation sans jamais s’apitoyer sur le sort de ses personnages. Pétri d’influences et d’émotions vives, le film distribué par Les Films du Préau est une belle proposition qui nous invite avec humanité à prendre soin de son prochain tout en se reconnectant avec la spiritualité.

Résumé : Se retrouver et renouer le contact avec le monde et ceux qui l’habitent. Deux jeunes filles se retrouvent séparées de leur famille à la suite d’un cataclysme. Elles qui ne se connaissaient pas, se retrouvent perdues et sans toit. Elles rencontrent une vieille dame qui offre de les recueillir dans sa maison à l’écart du village. Cette opportunité de repartir à zéro est d’un grand soulagement, jusqu’au jour où d’étranges phénomènes commencent à apparaître…

(c) Les Films du Préau

Tenaillées par des traumatismes passés, deux jeunes filles suivent presque aveuglément une vieille dame bienveillante qui les prend sous son aile au lendemain de la catastrophe naturelle. Elles se dirigent alors vers un havre de paix (une « mayoiga », une maison traditionnelle qui bénit les voyageurs qui la pénètrent) au coeur d’une forêt verdoyante, rappelant alors inévitablement le parcours des héroïnes du célèbre film d’Hayao Miyazaki, Mon voisin Totoro. Comme ce film dont l’aura plane constamment sur le récit – il est aussi question d’êtres fantastiques surgissant dans le réel pour accompagner les héroïnes dans leur reconstruction – l’émotion se déploie dans une simplicité touchante qui n’oublie pas de faire planer une forme de mystère quant à l’identité de la bienfaitrice. Un pari scénaristique réussi qui nous embarque dans une histoire somme toute classique qui n’en demeure pas moins riche en émotions dans son approche. Tandis que Yui porte le poids d’une culpabilité paternelle déplorable, la jeune Hiyori s’est enlisée dans le mutisme pour dissimuler son fardeau.

Sorte de pont entre le monde terrestre et celui des esprits, Kiwa (leur bienfaitrice) s’adresse constamment aux êtres spirituels dans l’espoir de guider ses protégées vers le bonheur qui leur est difficile d’accès. Petit à petit, les êtres fantastiques (comme des « yokai ») envahissent la mayoiga et déploient de nouvelles perspectives de guérison pour les jeunes filles. Les contes du passé étayent le folklore du pays et les différentes techniques d’animation présentes à l’écran lorsque Kiwa raconte des histoires fascine, à l’image d’une séquence crayonnée sur le « serpent de mers aux yeux rouges ». Un serpent qui n’est autre que l’antagoniste merveilleux plongeant définitivement le récit dans l’extraordinaire dans un dernier virage narratif plus conventionnel. En allégorie de la souffrance qui se nourrit des peines des japonais, le monstre constitue le climax de l’ouverture au monde des deux jeunes protagonistes.

(c) Les Films du Préau

Tout comme Makoto Shinkai dans ses dernières productions, Shin’ya Kawatsura évoque la nécessité de parler des traumatismes écologiques de son pays. Et tout comme dans Suzume, il métabolise la nature dans un être fantastique à vaincre pour survivre. Il est quelque peu regrettable que la simplicité efficiente du métrage se heurte parfois à un usage grossier d’e la musique omniprésente d’une musique omniprésente alors que les silences peuvent parfois avoir leur importance. Mais c’est là un faible défaut dans un océan de bienveillance et de sincérité.

Vous l’aurez compris, La maison des égarées est un très beau moment de cinéma qui s’inscrit dans une longue lignée de charmes émouvants nippons. A mi-chemin entre le drame poétique et la plongée fantastique, le film de Shin’ya Kawatsura, qui adapte un roman de Sachicko Kashiwaba, fait de son académisme une force narrative.

(c) Les Films du Préau

Rendez-vous le 28 juin 2023 en salles via Les Films du Préau.

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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