(Critique) Titina de Kasja Naess

Quoi de mieux qu’une production norvégienne pleine de charme pour célébrer le mois de février ? Les Films du Losange ont eu le nez fin en s’emparant du long-métrage de Kasja Naess tant il rivalise d’émotion et d’onirisme pour conter une histoire (presque) vraie d’exploration et de fraternité. Dans la grande tradition des focalisations biographiques par le prisme de l’animation, Titina parvient à se démarquer en retraçant un pan de l’Histoire au fil d’une expédition dans le grand Nord qui célèbre le projet ambitieux d’Umberto Nobile (italien) et de Roal Amundsen (norvégien ayant déjà découvert le Pôle Sud). Sous ses airs de film minimaliste que l’on n’attendait pas, la production norvégienne cache des trésors d’émotions.

Résumé : Umberto Nobile vit paisiblement à Rome avec son adorable chien Titina, jusqu’au jour où le célèbre explorateur Roald Amundsen lui demande de concevoir le dirigeable qui lui permettra de conquérir le pôle Nord. L’histoire vraie d’une expédition historique, vue à travers les yeux de Titina…

(c) Pyramide Films

Dès la scène d’introduction présentant un vieil homme et sa chienne fatiguée, le ton est donné : le film sera porté par une humanité touchante. Umberto Nobile, le vieil homme en question, se plonge alors dans le visionnage d’images de sa jeunesse (images d’archives qui se mêleront au film animé jusqu’au générique) pour renouer avec sa soif d’exploration. Si les images en prises de vues réelles prennent parfois beaucoup de place par rapport aux séquences animées, elles n’embrassent jamais vraiment toute la portée onirique des séquences dessinées. Derrière son récit un brin conventionnel : les personnages partent en quête du Pôle Nord en dirigeable, le film propose de belles idées narratives (et poétiques) en choisissant de vivre l’aventure au rythme du chien qui les accompagne.

Donnant son titre au film, Titina a une « gueule » qui déclenche beaucoup d’empathie, d’autant plus que le scénario lui offre des échappées lyriques qui font mouche, au coeur d’un grand Nord habité par la Nature. Qu’il s’agisse de rencontres démesurées avec une baleine ou des séquences musicales et surréalistes au contact de pingouins, ces instants décrochés de l’intrigue principale étonnent autant qu’elles s’avèrent intelligentes. Leurs forces cinématographiques doivent aussi beaucoup à la composition onirique qui sied bien au propos aérien du long-métrage. Derrière les rebondissements conventionnels du film se déploient des réflexions essentiels sur les liens entre l’Homme et la nature, évidemment impulsés par le récit d’aventure au Pôle Nord que n’aurait pas renié Jack London.

(c) Pyramide Films

Graphiquement, l’animation 2D est assez simple et colorée mais elle entre en adéquation avec l’immensité glaciale des paysages rencontrés. La réalisation prend véritablement son envol lorsqu’elle confronte les Hommes à l’impitoyable mais ravissante nature, à l’image des rencontres entre la chienne muette et la baleine gigantesque qui se jouent des jeux d’échelles. La forme filmique est manifestement un terrain de jeu pour l’équipe créative qui se plaît à réinventer les traditions de mise en scène comme ces conversations téléphoniques qui s’emparent avec originalité du « split screen ». Titina est une aventure riche en dépaysement qui s’interroge aussi sur la confrontation des ambitions : Nobile et Amundsen s’entrechoquent alors que l’ingénieux italien est envoyé par Mussolini et repart, dans une seconde expédition, à bord de l’Italia dont le nom révèle tout le nationalisme de l’entreprise.

Une aura tragique plane au-dessus de la fin du film mais elle se révèle poétique au possible : l’arbre est gelé et la sculpture qui faisait tant la fierté d’Amundsen est désormais ensevelie sous la neige. Avec simplicité et émotion, la fin douce amère énonce avec nécessité l’issue de ces ambitions charmantes en donnant la part du lion au chien qui porte le film.

(c) Pyramide Films

Titina est la bonne surprise de cet hiver : le film fait de son minimalisme une force pour atteindre le coeur de ses spectateurs. Cette histoire d’évasion (géographique et psychologique) s’adresse à toute la famille grâce à ses différents niveaux de lecture, de l’Histoire à l’intime.

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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