(Critique) Tous en scène 2 de Garth Jennings

Cinq ans après un premier opus coloré, musicalement endiablé et humainement touchant, les studios Illumination Entertainment rempilent pour un spectacle encore plus grand et une palette de personnages encore plus vaste. Tous en scène 2 (Sing 2 en version originale) respecte scrupuleusement le cahier des charges des studios à l’oeuvre pour proposer un divertissement graphiquement et thématiquement euphorisant. Toute la famille s’amusera et vibrera au gré des frasques de cette bande de personnages haut en couleurs, malgré un scénario à la subtilité éléphantesque.

Résumé : Si Buster et sa troupe ont fait du Nouveau Théâtre Moon la salle de concert à la mode, il est temps de voir les choses en plus grand : monter un nouveau spectacle dans la prestigieuse salle du théâtre de la Crystal Tower à Redshore City. Flanqué de sa troupe, Buster va devoir trouver comment se frayer un chemin dans les bureaux inhospitaliers de la prestigieuse Crystal Entertainment Company et atteindre son directeur, le loup du show-biz : Jimmy Crystal, qui y règne en véritable nabab.

(c) Universal Pictures

Avec 1h50 au compteur, le film peut se targuer d’en paraître bien moins tant les séquences s’enchaînent à un rythme fou, quitte à réduire drastiquement le développement des personnages. Les studios Illumination Entertainment ont un sens du rythme qui rappelle l’âge d’or des studios DreamWorks Animation en certains aspects. L’aventure musicale proposée par le film recèle de chorégraphies aux rythmes incroyables et aux titres pops réinventés avec entrain par les doublures originales (la reprise du titre « A sky full of stars » de Coldplay par Taron Egerton lors du spectacle final est très prenante), mais les personnages peinent à gagner en épaisseur au fil du récit. A titre d’exemple, l’éléphante Meena parvenait à surmonter sa timidité dans le premier film mais doit encore composer avec ce trait de caractère pour approcher l’éléphant de son coeur dans ce second opus. Les personnages semblent être les mêmes qu’auparavant, tout comme Buster Moon, toujours prêt à s’enliser dans des mensonges aux perspectives tragiques. Scénaristiquement, Tous en scène 2 n’est pas la surprise escomptée puisque l’équipe créative a fait le choix de rester sur ses acquis. C’est peut-être en ça que le film ne parvient pas à réitérer l’exploit de son aîné : créer la surprise, même si le spectacle en fin de métrage en met plein les yeux (n’est-ce pas le titre du show ?)

Fort heureusement, le savoir-faire graphique des studios Illumination Entertainment n’est plus à démontrer et les décors urbains du film en mettent plein la vue (même si nous n’atteignons pas la maestria plus réaliste de Zootopie des studios Walt Disney Animation), d’autant plus que la mise en scène aérienne met souvent en valeur le timing comique des gags. Difficile de ne pas succomber aux stratagèmes improbables de cette bande soudée à laquelle nous sommes définitivement attachés (pensons notamment à leur entrée hilarante dans la Crystal Tower sur un titre de Billie Eilish avec une utilisation brillante du personnage désormais incontournable de Mrs. Crawley), même si l’issue de leurs extravagances n’est jamais incertain. L’équipe créative déploie une telle palette de couleurs, de personnages et d’intrigues secondaires (à l’intérêt variable) que les chemins empruntés par le scénario ne peuvent ennuyer. Même si le déjà-vu plane sur cette entreprise commerciale, le plaisir subsiste.

(c) Universal Pictures

Tout paraît un peu facile à Redshore City et tous les nœuds narratifs entravant le succès des personnages disparaissent aussi vite qu’ils sont venus par le biais de deus ex machina peu subtils. A l’exception de Crystal, le loup antagoniste qui fait peser une véritable menace sur Buster Moon, les autres personnages doivent faire face à des problèmes bien modestes et des solutions évidentes. Par exemple, le gorille Johnny peine à s’initier à l’art de la danse chorégraphiée en compagnie d’un singe autoritaire mais il lui suffit de rencontrer (par un hasard peu justifié) une break-danseuse anecdotique (le personnage n’étant jamais rien de plus qu’une entraîneuse de rue) pour exceller. Les personnages sont si nombreux qu’il aurait fallu plus de deux heures de récit pour les développer comme il se doit. Il en va de même pour le nouveau venu : Clay Calloway (interprété par Bono en version originale) réduit à un trauma convenu et à une demi-chanson lors du show final pour briller. A vrai dire, le film est un modèle d’efficacité dans ses séquences comiques et musicales, ce qu’il n’est pas lors des scènes plus intimistes.

Au final, Tous en scène 2 est l’oeuvre typique des studios Illumination Entertainment. Drôle et graphiquement réussie, cette nouvelle production arrive à temps pour les fêtes puisqu’elle plaira assurément à tous les membres de la famille. On regrettera seulement le surplace psychologique des personnages et l’impression de vivre le même film en plus grand, mais nous pourrons sûrement compter sur un troisième tour de chant pour permettre aux personnages d’évoluer définitivement !

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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