(Rencontre) Hélène Ducrocq et ses Mal-aimés

Les Mal-aimés sont de retour dans un programme de quatre films aux esthétiques hétéroclites ! L’occasion rêvée d’échanger avec leur réalisatrice, consciente des enjeux de notre temps et du monde qui nous entoure, Hélène Ducrocq.

Pour les plus curieux d’entre vous, notre article sur le premier film est toujours disponible par ici !

Nathan (Focus) : Premièrement, comment as-tu choisi les nouvelles espèces de ce programme ? 

Hélène Ducrocq : “Y a-t-il un animal qui vous fait peur ?”

Cette question, nous l’avons posée à toutes les séances de notre premier programme “les Mal-Aimés” où nous avons pu aller. Il y en avait tellement ! Je pense qu’on a de la matière pour encore 10 programmes. On a une ligne éditoriale : on parle d’animaux mal-aimés, qui sont menacés ou dont la population disparaît à cause de l’activité humaine. Et dans un programme, on constitue un écosystème en racontant des histoires de différents milieux qu’on peut rencontrer en France : dans les airs, sous terre, à la montagne, et dans ce nouveau programme, on voyage aussi sous l’océan, avec le film sur le requin. 

Nathan : Trouves-tu que les consciences soient plus éveillées qu’il y a quatre ans lors de la sortie des Mal-aimés ? 

Hélène Ducrocq : Je ne sais pas si je peux bien juger de cela, car les spectateur.ices que je vois aujourd’hui n’étaient quelquefois pas né.es il y a quatre ans, lors du premier programme.

J’espère juste que les films permettront d’encourager des initiatives en faveur de la biodiversité, de raconter d’autres histoires, d’émerveiller avec la Nature et l’imaginaire. 

On voit qu’il y a de plus en plus d’éco-anxiété chez les jeunes, on vit une époque pas facile alors si on peut éveiller des consciences, mais avec humour et amour, c’est quand même mieux. 

(c) Citron Bien

N : Comment éveiller l’imaginer des enfants à travers un film ? Comment l’invitation à la création transparaît-elle à l’écran ? 

H.D : Dans ce programme, j’ai voulu faire des films à hauteur d’enfant, avec le matériel qu’ils ont à portée de main : papier, crayon, peinture, et même les peluches marionnettes. 

Dans le film “Qui a vu l’ours” c’est un garçon qui raconte, qui imite la voix de ses parents, comme s’il s’adressait à des amis. C’est d’ailleurs une prouesse du jeune comédien Valmyr Pavard qui avait déjà fait une voix sur Lupin du haut de ses 4 ans. Ça lui a donné envie d’être comédien. J’adore l’idée que mes films puissent créer des vocations.

Les enfants ont plein de choses à dire, et il faut profiter de cet âge où il n’y a pas encore trop de freins à la créativité pour leur permettre de raconter des histoires! 

N : Pourquoi la renarde Roquette donne-t-elle son nom à la compilation ? 

H.D : C’est la plus rigolote ! Et c’est le personnage préféré des enfants. Je suis sortie de séances en avant-première où à la fin de la projection, ils criaient “Ro-quette, Ro-quette!”. Je pense que son côté rock’n’roll déjanté leur plait beaucoup! 

Et, c’est tellement plus fun comme nom que « Les Mal-Aimés 2 » non ?

N : Assurément ! D’ailleurs, ce second volet des Mal-aimés semble plus diversifié (en termes de techniques d’animation) ? Pourquoi ce choix ? 

H.D : Mon processus créatif part d’une idée, d’une émotion que je veux transmettre aux jeunes spectateurs.
C’est à partir de là que je recherche l’univers, la technique qui s’adaptent au scénario.
Ce qui explique sans doute cette diversité de techniques. Ce n’est pas une volonté de ma part, c’est plus quelque chose qui va de soi.

Ensuite, quand on parle de biodiversité, je trouve intéressant de montrer cette diversité à l’écran (et elle se retrouve ainsi dans l’image animée !)

C’est ici ma liberté de création qui s’exprime. 

Enfin, c’est aussi le contexte qui m’a poussé à trouver des solutions.
Pour rappel, je travaille pendant 6 ans, sur « Les Mal-Aimés ». J’ai travaillé dur en me disant que je profiterai à la sortie des films de la joie de rencontrer et partager avec mon public. 
Le Film sort en septembre 2020 et 4 semaines plus tard, les cinémas ferment ! 

Après avoir encaissé le choc, je me suis remise au travail en me promettant de raccourcir ce temps de production, on ne sait jamais ce qui peut se passer! Et puis, sur l’aspect financier, nous n’avons pu obtenu les retombées espérées à cause de la fermeture des cinémas. Il me fallait donc trouver des solutions rapides et efficaces pour tenir le choc. Et ce, d’autant que nous avons fait le choix de produire nos films sans financements extérieurs, car ça prend beaucoup trop de temps et d’énergies pour un résultat très aléatoire.

J’aime cette énergie créative. J’ai une idée, je la mets en oeuvre, je la montre aux spectateurs et je sais si ça marche ou pas. 
C’est une manière de faire du « circuit court ». Du réalisateur au spectateur en somme !

(c) Citron Bien

N : Comment as-tu vécu la création progressive du film en live sur Twitch ? Quels bienfaits en as-tu retirés, mais aussi quels inconvénients as-tu découverts ? 

H.D : Streamer m’a permis de créer du lien avec le public. Du moins, c’est ce que j’espérais au début. C’était aussi un rendez-vous quotidien auquel je ne pouvais me soustraire! À partir du moment où il y avait une personne connectée, il fallait que je me mette au travail. Ça paraît contreproductif par rapport à mon désir de liberté évoqué plus tôt. Mais la fermeture des cinémas m’a laissée dans un sale état! J’étais “non essentielle” et je me demandais si ça servait à quelque chose de faire des films! Partager mon travail quotidiennement a été un moyen de combattre l’immobilisme et la tristesse dans lesquels je m’enfonçais. 

C’était très challengeant parce qu’en plus j’étais très mal à l’aise pour m’exprimer face à une caméra ! Et puis il faut penser à mille choses en même temps, gérer la technique du stream en plus de celle de l’animation, interagir avec les viewers, découvrir des codes et une communauté… tout cela m’était totalement inconnu il y a deux ans. 

Il y a des gens qui me suivent depuis le début de la création des films, et au fur et à mesure, on est plus nombreux. 

C’était important pour moi de trouver de l’amusement à chaque étape de la fabrication des films. Et quoi de mieux que Twitch, une plateforme d’habitude réservée aux joueurs pour s’amuser ? 

N : Les rencontres avec le public sont nombreuses, participent-elles aussi indirectement à la création des Mal-Aimés ? 

H.D : Ces films sont faits pour le public! Ils sont essentiels à la création des Mal-Aimés. D’ailleurs quand je tergiverse sur des détails techniques, Pierre Dron mon producteur et conjoint me rappelle que je ne fais pas les films pour satisfaire les puristes de l’animation, mais que l’on fait des films pour un public. (Et, les enfants sont bien plus exigeants qu’on le croit !) Quand je suis dans la salle avec une centaine d’enfants qui se marrent, qui tapent dans les mains, qui montrent du doigt la réponse aux jeux que je leur ai concoctés, ça me donne envie de les impliquer encore plus ! 

Je réfléchis à une manière de faire un prochain film plus participatif encore, en proposant un atelier sur lesmalaimes.fr , si chaque spectateur dessine/colorie un dessin, ça donnerait sûrement quelque chose de très marrant. En tout cas je veux que les projections soient vivantes et que le film ne s’arrête pas à la fin du générique – je suis disponible pour répondre aux questions des enfants et échanger avec tout le monde, n’hésitez pas à venir me voir sur Twitch ou sur https://www.lesmalaimes.fr

(c) Citron Bien

N : Les Mal-aimés, volume 3 dans 2 ans ? Si oui, quelles espèces pourraient être mises en lumière cette fois-ci ? 

H.D : Dans chaque film il y a, caché dans le décor, un ou plusieurs personnages des précédents et prochains Mal-Aimés. Je ne les ai pas encore tous, mais j’ai déjà commencé les recherches et échanges avec la LPO pour parler du gypaète barbu, et puis avec une biologiste marine, on a longuement parlé du goéland. J’ai déjà un scénario pour celui-ci. Et puis je voudrais aussi explorer les « bien-aimés » et cet amour inconditionnel pour les chats et les chiens totalement injustes par rapport à leurs cousins sauvages. On va expérimenter des choses du côté documentaire, en donnant la parole aux enfants. 

Mais vous, vous voudriez voir quel animal représenté ? 

N : Et pourquoi pas un furet ? En attendant de savoir qui seront les nouveaux animaux mis en lumière par ton imaginaire, je te remercie pour cet échange passionnant et je souhaite une belle carrière à ce deuxième volume en salles !

Pour en savoir plus sur le film, vous pouvez suivre les liens suivants :
Le Projet : https://www.lesmalaimes.fr/
Le site de la réalisatrice : https://www.oeilbleu.com/
Le compte instagram du Film : https://www.instagram.com/citronbiencinema
Les Lives Twitch d’Hélène : https://twitch.tv/helene_ducroc

Roquette et les Mal-aimés est en salles depuis le 7 février via Citron Bien.

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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