En ces temps de forte chaleur estivale, que diriez-vous de plonger dans un grand bol d’air frais animé à l’originalité décuplée ? C’est un peu le programme proposé par l’inclassable Rock Bottom de Maria Trenor. Un film hommage à un album pop/rock iconique (porté par Robert Wyatt) et une véritable proposition visuelle qui ne peut laisser indifférent. Être conquis par la proposition est-ce pour autant accepter toutes ses hésitations ? Le long-métrage est absolument fascinant, mais parvient-il à être plus qu’une splendeur visuelle ?
Résumé : À partir de l’album mythique de Robert Wyatt, ROCK BOTTOM nous plonge dans l’histoire d’amour vertigineuse de Bob et Alif, deux jeunes artistes de la culture hippie du début des années 1970.
Le long-métrage est une œuvre hybride qui ne cesse d’étonner avec son savant mélange de rotoscopie, d’aquarelle, de peinture, et de prises de vue réelles. Les décors psychédéliques colorés, saturés de néons, et les séquences hallucinées nous immergent avec sidération dans l’univers des années 1970, entre euphorie créative et intoxication sensorielle. Les scènes sous l’eau ou en pleine nature, traversées de teintes flamboyantes, témoignent de la maîtrise technique de la réalisatrice et de son engouement artistique pour un cinéma qui expérimente avant tout par la sensation. C’est là d’ailleurs la force première de ce long-métrage singulier : son jusqu’au-boutisme graphique qui confine à la fascination, au risque de délaisser en partie la construction narrative et l’identification du spectateur ?
Sa deuxième force réside évidemment dans ses partitions, devenant presque un personnage à part entière en exprimant les états d’âme des personnages, comme dans une comédie musicale, et en constituant presque l’architecture du récit. Les chansons lient les séquences entre elles pour créer une histoire qui n’hésite pourtant pas à nous perdre entre les temporalités et les univers parcourus. L’émotion et la musique ne semblent plus faire qu’un dans cette histoire résolument psychédélique. Une histoire qui constitue peut-être le point faible principal du film, qui s’adresse évidemment à un public d’initiés tout en omettant d’embarquer les autres avec elle.
Le scénario retrace avant tout la relation tumultueuse entre Bob et Alif (inspirée du couple Robert Wyatt-Alfreda Benge) et prend le temps d’aborder leur passion créative (elle est notamment à l’origine des pochettes de ses albums) et leur rythme de vie hippie entre New York et Majorque. Inévitablement, le film traite aussi de la toxicomanie au gré de cette histoire d’amour dans laquelle la trahison s’immisce, mais il est parfois bien difficile de suivre les allers-retours incessants entre le passé et le présent, d’autant plus que le trop-plein de musique à parfois tendance à étouffer les respirations filmiques. En vérité, Maria Trénor et son équipe semblent résolument plus intéressés par la démesure visuelle du projet qu’à son histoire un brin décousue, pour ne pas dire distante à cause de personnages antipathiques auxquels on ne s’attache jamais vraiment. Sur le chemin de la création, Rock Bottom se perd en conjonctures métaphoriques (à l’image de deux hérissons), en sous-entendus et en imagerie évocatrice.
Rock Bottom se vit plus qu’il ne se comprend, faisant de l’expérience sensorielle un pré-requis pour s’immerger dans le film. Avant d’être une histoire, le long-métrage est une ode visuelle et musicale aux années 70, à la création artistique et à l’amour destructeur. Que ceux qui cherchent un biopic classique s’éloignent du projet puisqu’on a là un pur exemple d’oeuvre qui s’imprègne littéralement de son sujet musical. Amateurs d’expérimentation et de voyage métaphysique, Rock Bottom est fait pour vous si tant est que vous adhériez à la narration décousue et aux personnages psychologiquement distants.
Vous avez rendez-vous le 9 juillet prochain en salles via Potemkine Films.