(Sortie vidéo) La période russe de Ladislas Starewitch (1909-1919)

Sacrée surprise en cette fin d’année 2022 : la sortie en vidéo d’une importante compilation des premiers travaux de Ladislas Starewitch, un artisan du stop-motion ayant aussi créé des films en prises de vues réelles. L’éditeur vidéo Doriane Films a concocté un double DVD auréolé d’un livret, insérés dans un fourreau, pour ravir les fans (et les néophytes !) de l’artiste. Un coffret qui finalise un ensemble de huit éditions retraçant la carrière du génie créatif.

Ce coffret s’attarde sur les premiers pages cinématographiques de Ladislas Starewitch, de ses expérimentations entomiques à ses premiers films en prises de vues réelles. Le livret qui accompagne les deux disques est une véritable mine d’informations pour les plus curieux des spectateurs mais il constitue aussi, pour l’éditeur, une justification des choix éditoriaux (à l’image de l’absence de musique pour accompagner les films, mais aussi la qualité variable entre les nombreux films transférés sur les disques).

Le premier disque contient plus de quatre heures de films signés par le cinéaste au début de son périple cinématographique ! On (re)découvre alors 14 films sur les 15 qui existent encore dans cette période. Cela commence par une inévitable plongée dans l’animation en stop-motion d’insectes morts qu’il utilisa à plusieurs reprises, insectes qu’il humanisme par la magie du stop-motion et des accessoires/décors convoqués à l’image. Derrière ce choix quelque peu morbide (mais pratique!), le cinéaste déploie un large éventail de ressorts cinématographiques pour éveiller ces êtres miniatures et leur offrir la personnification nécessaire à son propos !

L’image a forcément vieilli et la colorisation de la pellicule impose une certaine nostalgie graphique mais il faut célébrer la possibilité de découvrir des œuvres si méconnues de l’histoire de l’animation. Il faut également souligner que l’absence de piste sonore freine toute tentative de regarder les films à la chaîne mais le menu permet le choix du film que l’on souhaite : peut-être serait-il sage de n’en regarder qu’un seul par jour pour s’immerger par « touches » dans son esprit créatif ?

Voici le programme :

  • « La Belle Lucanide » (environ 7 minutes) : réinterprétation de la belle Hélène au gré d’aventures de scarabées. On y voit des combats à l’épée, des déplacements d’insectes et des sièges de châteaux forts : une première oeuvre célèbre aux charmes originaux !
  • « Scènes joyeuses de la vie des insectes » (5 minutes) : un défilé de personnages jusqu’à une fête. L’image terne et blanchâtre réduit quelque peu la précision du transfert vieilli qui fait néanmoins tout son possible pour restituer ce film précieux.
  • « La vengeance du ciné-opérateur » (10 minutes) : cela commence au coeur d’un foyer, alors q’un mari part au travail. L’anthropomorphisme se met au service d’une mise en abyme du spectacle vivant mais aussi de la pratique cinématographique quand une sauterelle s’empare d’une caméra miniature et veut filmer le coeur de l’hôtel « d’Amour ». On y voit également un peintre : ce court-métrage est une véritable lettre d’amour à l’art. Les personnages vont aussi au cinéma et bouclent cette belle histoire qui aura marqué l’histoire du septième art !
  • « La cigale et la fourmi » (5 minutes) : une adaptation de la fable de La Fontaine qui allie à merveille l’amour du créateur pour les insectes aux histoires qu’il réinvente par l’image.
  • « Le Noël des habitants de la forêt » (4 minutes) : animation de poupées et de figurines de sapin de Noël. Un univers tout aussi glauque mais qui ne part pas d’un choix morbide.

Il y a aussi des films avec de véritables acteurs : on découvre alors un univers à la Méliès qui oscille entre le dérangeant et le fascinant tout en réinvestissant d’innombrables astuces techniques pour créer l’illusion magique.

La qualité d’image est vraiment soumise à la pellicule d’origine : parfois c’est net et précis, d’autres fois c’est fort contestable (« Le voyage sur la lune » faisant notamment partie des transferts les moins éloquents, l’éditeur précisant bien dans le livret accompagnant l’édition qu’il s’agit d’un travail sur des copies numériques et non sur la bande 35mm d’origine.)

Il y a finalement plus d’oeuvres en prises de vues réelles qu’en animation dans ce coffret, mais il s’agit après tout d’une représentation éloquente des débuts de carrière de Ladislas Starewitch.

  • « Le Voyage sur la Lune » (6 minutes)
  • « La Nuit de Noël » (41 minutes)
  • « Le Beau-Fils de Mars » (8 minutes 30)
  • « Snegourotchka, la Petite fille des neiges » (31 minutes)
  • « Le Portrait » (23 minutes)
  • « Le Lys de Belgique » (11 minutes)
  • « Sachka le Jockey » (28 minutes)
  • « Vers le Pouvoir populaire » (23 minutes)
  • « Cagliostro » (36 minutes 30)

Le deuxième disque est finalement assez avare en contenu inédit :

  • « La revanche du ciné-opérateur » (11 minutes 30) : l’histoire des enfants du coléoptère malheureux en amour. Version anglaise d’un court déjà présent sur le premier disque dans une version modifiée lors de la distribution au Royaume-Uni : le mari et la femme sont désormais frère et sœur.
  • « La cigale et la fourmi » (6 minutes) : même court déjà présent sur le premier disque, à l’exception d’intertitres en langue original (évidemment sous-titrés pour la sortie de cette édition française).
  • « Snegourotchka, la fille des neiges » (28 minutes 44) : film déjà présent sur le premier disque.

Au final, ce joli coffret DVD est l’occasion rêvée de mettre en lumière toute l’imagination et l’inventivité d’un cinéaste trop méconnu désormais. Au coeur de sa « période russe », il aura notamment su jongler entre son goût pour l’animation et ses artifices à la Méliès dans ses films en prises de vues réelles. Assurément une filmographie surprenante que ce coffret permet de (re)découvrir avec plaisir.

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

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