(Critique) Blue Giant de Yuzuru Tachikawa

L’attente fut longue mais le résultat est à la hauteur de notre patience. Présenté au Festival d’animation d’Annecy en juin 2023, le long-métrage musical de Yuzuru Tachikawa (derrière deux longs-métrages Détective Conan, notamment) s’offre enfin aux yeux des spectateurs français, et quel long-métrage ! Blue giant (cette épithète qualifiant les prodiges du jazz) est un beau morceau de cinéma de cent dix minutes célébrant un envoutant genre musical mais aussi les vertus des passions dans le cœur des Hommes. Une œuvre hypnotique qui passionnera les aficionados de jazz tout autant que les néophytes !

Résumé : La vie de Dai Miyamoto change lorsqu’il découvre le jazz. Il se met alors au saxophone et s’entraîne tous les jours. Il quitte Sendai, sa ville natale, pour poursuivre sa carrière musicale à Tokyo avec l’aide de son ami Shunji. Jouant avec passion, Dai arrive un jour à convaincre le talentueux pianiste Yukinori de monter un groupe avec lui. Accompagné de Shunji qui débute à la batterie, ils forment le trio JASS. Au fil des concerts, ils se rapprochent de leur but : se produire au So Blue, le club de jazz le plus célèbre du Japon, avec l’espoir de changer à jamais le monde du jazz.

(c) Eurozoom

En étant passionné, on passionne les autres et l’engagement permanent du personnage principal Dai dans son art (la maîtrise du saxophone) engage ses amis dans la voie du succès. La construction narrative de Blue giant n’est pas la plus originale qui soit – on y suit la formation d’un trio de musiciens jusqu’au succès – mais elle est parsemée d’émotions fortes et de séquences musicales envoûtantes qui font presque oublier le classicisme de son récit. Dans les scènes habitées par la musique – et elles sont nombreuses, l’instrument prend des airs de baguette magique initiant l’enchantement du public : le jazz, c’est littéralement le feu !
Si on s’attache facilement au trio de jeunes artistes, on s’entiche aussi d’un genre musical magnifié par une mise en scène dédiée à la glorification d’un art précieux. L’émotion s’empare inévitablement de nous sur la dernière séquence puisque la musique est imprégnée de sentiments explicités tout au long du film jusqu’à ce climax/dénouement porteur d’espoirs. Seules les modélisations 3D ternissent un si beau tableau… Surgissant avec parcimonie dans les séquences musicales, cette hybridation animée pose question tant elle rigidifie l’investissement artistique des musiciens. C’est d’autant plus regrettable que la mise en scène fait de beaux efforts pour nous investir jusque-là, à l’image des partitions en surimpression lors d’une jolie séquence de montage sur l’apprentissage des protagonistes ou bien des reflets du saxophone sur les verres et les gens dans les bars où Dai et ses amis se produisent. Les moindres détails sont objets de l’attention de l’équipe créative.

(c) Eurozoom

Blue giant, au delà de son amour fou et contagieux pour la musique, est une belle histoire d’amitié et de soutien entre pairs, le plus à l’aise d’entre les trois se révélant le moins sincère dans sa pratique au gré d’une histoire méthodiquement construite, faisant de chacun des protagonistes une porte d’entrée différente dans la musique. Le talent est aussi une question de sincérité et d’entraînements, le batteur Shunji en est la preuve. On attend alors son solo avec fébrilité et envie, jusqu’à l’acmée filmique ! Tous trois enchantés par la perspective de faire de la musique, les musiciens y parviennent par des voies différentes mais un engagement commun. Et lorsque la tragédie s’invite au détour d’un ultime virage scénaristique, l’émotion longuement préparée se déploie pour mieux nous cueillir. Trop en dire serait gâcher l’intense plaisir procuré par un si beau film…

(c) Eurozoom

Blue Giant transpire la passion, le jazz et l’amitié sur une partition des plus soignées. Quelques fausses notes graphiques irritent mais elles ne peuvent entraver l’harmonie générale d’un film à l’euphorie artistique contagieuse !

Courez en salles dès le 6 mars prochain ! La sortie est chapeautée par l’équipe Eurozoom que je remercie pour la découverte du film.

Nourri aux univers animés depuis la découverte de "Kirikou et la sorcière" en 1998, Nathan porte son regard critique et analytique sur l'univers des longs-métrages. Il est rédacteur sur Focus on Animation depuis 2012 et est l'auteur d'un ouvrage somme sur la carrière de Michel Ocelot (chez Third Editions).

1 comments On (Critique) Blue Giant de Yuzuru Tachikawa

  • Après l’avoir vu à Annecy, j’ai longtemps attendu la sortie en salle. J’avais été très ému par le réal qui nous avais dit qu’on avait le droit d’applaudir après chaque impro de jazz, comme on le ferait dans un vrai club. Et la salle a applaudi après chaque passage musical sans faute. C’est comme vous le dites dans le texte un manga et un film très généreux sur la création et la passion. Merci pour la critique <3

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